Le retour, du Tréport vers Cherbourg

St Valéry en Caux

Alors que 80% de la France souffre de la canicule (45° à Carpentras), nous nous réveillons chaque matin avec 16° !! :) En navigation, une polaire et la veste de ciré sont toujours bienvenues.

33 milles séparent le Tréport de St Valéry, qu'il nous faut parcourir le plus lentement possible (une fois n'est pas coutume) pour rentrer dans St Valéry qu'à pleine mer, en étant partis du Tréport à la pleine mer précédente. Nous attendons donc PM + 2h pour quitter le Tréport, au risque de rester pendu dans le chenal de sortie qui découvre à 2m au dessus du zéro des cartes. Puis naviguons sous génois seul réduit pour cheminer lentement, vent arrière vers St Valéry. Mais le vent de nord-est à 25 noeuds et la mer forte empêchent toute approche de l'entrée de St Valéry, dont le chenal est orienté nord est et découvre à 3 m au dessus du zéro. L'alternative est de continuer jusqu'à Fécamp. Vers 19h, le vent molli. L'envie trop forte de découvrir St Valéry en Caux m'entraine à tenter l'entrée, tout en sachant qu'une fois engagé, il me sera impossible de faire demi tour en raison des hauts fonds et du courant. 1 heure et demi avant la pleine mer, la jetée ouest du chenal est assaillie par de grosses vagues déferlantes qui se propagent en tumultes le long de la jetée. Les locaux appellent ça le "Varpally". Il faut rentrer à pleine puissance et en restant bien au milieu du chenal. Très impressionnant. Tout au fond du bassin ou est mouillée la vedette de la SNSM, le pont levis se lève devant notre étrave, nous donnant accès au port à flot, ou nous amarrons tranquillement au ponton visiteurs.

Le Havre

Rasée par l'aviation anglaise en septembre 1944, Le Havre est entièrement reconstruit par Auguste Perret, en utilisant exclusivement le béton, matériau bon marché. Larges avenues bordées d'immeubles assez uniformes, urbanisme et architecture fonctionnelle. Ce qui lui a valu son sobriquet de Stalingrad sur mer. Et pourtant nous sommes agréablement étonnés par le style du Havre, sa clarté, son calme. La promenade du front de mer, la visite d'un appartement Auguste Perret, et l'étonnante église béton dominée par sa tour-cloché de 107m de haut finissent par nous conquérir.

Trouville-Deauville

Petite étape matinale pour passer l'écluse de Trouville à pleine mer. Station balnéaire, digne de sa réputation. Les rues chics, la mairie en colombage normand, les hotels palaces, la grande plage d'un homme et une femme, ses parasols, Deauville est très agréable.

Sur la route du retour, la baie de Seine nous joue un tour

Il est bien difficile de synchroniser les sorties et entrées de port à pleine mer, soit dans la même marée, soit dans la marée suivante, pour une petite étape, ou une très longue, tout en profitant des courants, et sans se mettre dans la situation d'un violent vent contre courant. C'est la quadrature du cercle. Aujourd'hui, en fonction de la météo, du coefficient de marée, de l'heure d'ouverture d'écluse de Trouville, du courant, nous optons pour une longue traversée de toute la baie de Seine jusqu'à St Vaast. Quittant Trouville à 9h30, nous devrons rentrer à St Vaast vers 21h30 à l'heure d'ouverture de son port. Le vent assez fort nous oblige à ralentir l'allure, en réduisant le génois pour arriver à l'heure, car avec ce vent de nord-est, aucune possibilité d'attendre dans un avant port inexistant. Les 3 premières heures se déroulent comme prévu quand soudain le vent se met à forcir au delà du raisonnable, en levant une mer menaçante. Les vagues montent et déferlent sur le tribord arrière de Boisbarbu. Nous décidons d'empanner et de s'abriter à Ouistreham. Le long chenal de Ouistreham est dantesque, stressant: les vagues grossissent et déferlent sur les hauts fonds. Le bassin avant l'écluse n'est pas abrité du nord-est et les vagues s'y engouffrent. Une demi-heure d'attente à tourner en rond, et la porte de l'écluse s'ouvre enfin. Boisbarbu s'y engouffre, mais les vagues continuent à rouler sur les parois de l'écluse en menaçant le bastingage de Boisbarbu qui frotte les parois agressives de l'écluse. Ce n'est que quand sa porte va lentement se refermer que nous trouvons le calme tant attendu. A Ouistreham, rien à voir, mais nous y sommes bien, à l'abri du coup de vent qui sévit dehors.

De retour à Saint Vaast, c'est presque un soulagement de se rapporcher de Cherbourg, ou la navigation re deviendra plus agréable, avec des côtes sauvages, des possibilités de mouillage... La Baie de Seine (cette zone qui s'étend de Honfleur jusqu'à St Vaast) nous semble peu propice au plaisir de la navigation. Ses longues plages n'offrent aucun abri en dehors des ports. Et la difficulté de synchroniser sorties et entrées de port en font un vrai casse tête et expose à de sévères punitions en cas de mauvais temps. Pour résumer, 2 cas de figures se présentent:

1- On veut rallier un port proche (moins de 20 milles), alors, on peut envisager de le faire dans la même période de pleine mer, en quittant le port de départ 2 heures avant la pleine mer, et en arrivant à destination avant que l'écluse ou la porte ne se ferme, c'est à dire généralement 2 heures après la pleine mer. Ceci est le cas pour de petites étapes, entre Honfleur et Deauville, Deauville et Dives ou Ouistreham, St Vaast et Carentan. Mais dans ce cas, avec l'incertitude de talonner dans l'approche du port de destination, et dans ce cas, de rester échoué sur le flanc, jusqu'à la marée suivante (8 heures d'attente) avec toutes les avaries que cela peut occasionner. A cela, il faut rajouter la prise en compte des courants, pour que ceux ci soient favorables en ne s'opposant pas à une progression déjà tendue par la fenêtre de temps autorisée.

2- L'objectif est un port plus éloigné (supérieur à 25 milles). Alors il faut sauter à la marée suivante, en partant à pleine mer plus ou moins 2 heures du port de départ, et en arrivant de préférence à pleine mer moins une ou 2 heures à destination. En cas de vent favorable, il faut alors freiner le bateau pour ne pas arriver trop tôt et poireauter devant le port d'arrivée, zone généralement non protégée du vent et des vagues. C'est ce qui nous est arrivé entre Ouistreham et Saint Vaast: 45 milles de navigation, qu'il nous a fallu étaler sur 10 heures: de la pleine mer de Ouistreham à 2 heures avant la pleine mer de Saint Vaast (heure d'ouverture de la porte du bassin à flot). par un vent portant de force 5 à 6 (ce qui est plutôt sympa), nous avons du naviguer sous génois seul, mais avec un génois très très réduit (au tiers de sa surface) pour ne pas dépasser les 5 noeuds, ce qui est d'autant plus difficile que le courant de jusant nous pousse encore d'un ou 2 noeuds supplémentaires. L'allure devient alors très inconfortable car le bateau qui n'est plus appuyé sur ses voiles se fait secouer au gré des vagues comme un bouchon dans du clapot.

Alors on jongle avec les infos: la carte détaillée, la marée, les vents, les courants:

Bref, nous restons mitigés sur la navigation en baie de Seine et en haute Normandie pour ces raisons. Ce qui explique sans doute le très faible nombre de voiliers aperçus pendant la journée. Il nous est souvent arrivé de passer des journées entières de navigation, pourtant assez proche des côtes, sans croiser ni doubler aucun autre voilier ! Parfois sinistre.

St Vaast la Hougue

Nous retrouvons St Vaast comme nous l'avions laissé, 3 semaines auparavent, le soleil en plus. La petite ville respire, s'anime, au rythme des marées. Les pêcheurs s'activent sur le quai, l'un pour démêler ses filets, l'autre pour les ravauder, celui ci vend des petits squals à un passant, celui là repeind inlassablement son bateau dans un combat routinier contre la rouille, un autre décharge 7 tonnes de coquillages. Tout doit être prêt pour la prochaine marée.

D'ici, nous partons visiter Barfleur, très charmant village à 15km au nord de St Vaast. Port de pêche authentique ou l'on assiste aux côtés de quelques badauds au chargement d'un énorme chalut de traine. Nous comprenons toute la dangerosité du métier de pêcheur en les voyant manier les câbles énormes, les poulies rouillées et récalcitrantes, les pièces métalliques de plusieurs tonnes, dans la graisse et l'eau.

Barfleur

Avant de rallier Cherbourg, nous nous offrons une nuit de mouillage à Barfleur, ce petit village qui nous a séduit. Du mouillage nous avons le privilège de Barfleur côté nord, avec la silhouette de l'église et de la maison de Paul Signac qui se dessinent sur un ciel azur. Ce mouillage tranquille nous fait le plus grand bien, après toutes ces semaines passées sur les pontons.

Cherbourg

Le courant de jusant du raz de Barfleur nous entraine vite vers l'entrée est de la grande rade. Dans le port de plaisance, nous retrouvons avec bonheur nos amis Alain et Magalie pour une soirée dans le carré de Boisbarbu.

Dernièrs airs normands, avant le retour de la Bretagne !...

 

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