Evelyne embarque à Brest, Christine "de Bretagne" vient passer la soirée à l'Aber Wrac'h, rencontre fortuite avec Yves à Roscoff, à évoquer nos souvenirs partagés de voile,
et nos amis Isabelle et Eric à Roscoff. Les retrouvailles sont intenses et émouvantes.
La météo ne promet rien de bon, mais nos amis sont prêts à tout. Les caprices du vent m'amènent à adapter notre planning pour relâcher d'abord à Ploumanach, puis à Bréhat avant de faire cap sur les îles anglo-normandes..
Ploumanach
J'ai toujours considéré cet endroit criblé de granit rose comme étant le joyau de la Bretagne nord. L'entrée invisible et improbable du port entre le petit phare si souvent mis en valeur sur les cartes postales, et la belle maison sur tribord.
Puis une heure d'attente sur une bouée de pécheur, avant de pouvoir passer le seuil protégeant le bassin de Ploumanach. L'amarrage se fait sur des altères, et je me souviens que seule la place la plus à l'extérieur permettra à Boisbarbu de ne pas échouer. Et pourtant, pendant la nuit, je me sens rouler sur Evelyne, preuve que la quille de Boisbarbu touche le fond pendant qu'il s'incline lentement, mais sans danger vu que le fond est de vase.
Merveilleuse balade sur le GR34 du bord de mer que nous sommes si heureux de faire découvrir à Eric et Isabelle.
Bréhat
Par ces marées de vives eaux, il est difficile d'ancrer dans "la Chambre" de Bréhat. Les 4 bouées visiteur étant déjà occupées. Le vent d'ouest souffle fort et la cardinale sud n'est qu'à une vingtaine de mètres du cul de Boisbarbu. Néanmoins confiants, nous partons à la découverte de l'île et de ses sentiers.
Jersey
Un excellent moment au pub Lamplighter (l'allumeur de réverbère): pub authentique aux variétés époustouflantes de whiskeys (plus de 300) et au pompes à bière à l'ancienne. Sans compter ce hâbleur qui pour faire la manche, anime la soirée avec un jeu questions/réponses.
Sarcq
Prononcez Sark ou Serk, j'en suis de moins en moins sur, je ne sais plus. La havre Gosselin étant très perturbé par une houle de sud-ouest, nous la quittons sans regret en prenant la passe étroite entre Sarcq et Brecqhou. A l'est de l'île, le mouillage de la Grève de la Ville est parfaitement calme. Ce qui nous permet de faire découvrir à nos amis, les charmes de l'ile de Sarcq. C'est toujours un grand plaisir de se promener sur cette île si paisible.
Bravo aux habitants qui ont su résister depuis des années à la cupidité du milliardaire de l'île Brecqhou voulant avaler Sarcq pour y construire un complexe touristique, dénaturant tout son charme. Ce sont les frères Barclay, propriétaires de Brecqhou, qui y ont fait construire un château néo-gothique à 70M€, alors qu'ils n'y passent qu'une semaine par an.
Guernesey
Belle surprise, belle rencontre au port de Guernesey: mes ami Mike et Louise, connus dans les îles Orcades au nord de l'Ecosse en 2011. Le hasard nous les avait déjà fait revoir sur la côte est de la Suède. Chaleur des retrouvailles, bon repas et bières partagées.
L'incontournable visite de la maison d'exile de Victor Hugo, ou il a passé 18 années, nous enchante. Nous la connaissions, mais 18 mois de travaux lui ont redonné un air de jeunesse. Le mobilier, les peintures, les tapisseries, les sols et plafonds ont été entièrement reconditionnés.
Non seulement écrivain, Victor Hugo peignait, et sculptait de nombreux meubles de sa maison.
Emotion de se trouver dans la pièce ou l'écrivain, debout à son écritoire, trouvait l'inspiration des "Travailleurs de la mer". La jeune guide, érudite de Victor Hugo, nous emporte avec enthousiasme dans la vie formidable de cet immense écrivain et grand homme public et politique. Saviez-vous, par exemple, que Victor Hugo avait "inventé" les restaus du coeur, en recevant chaque dimanche les enfants déshérités de Guernesey pour leur offrir le repas et son affection.
Aurigny / Alderney
Après 2 jours bloqués à Guernesey par un avis de vent fort, nous décidons de quitter le port ce samedi 8 juin. La grand-voile est hissée avec 1 ris et le génois déroulé aux 2/3. Dehors, le vent de sud-ouest souffle force 6 à 7. Rien d'exceptionnel bien que la mer soit forte à très forte. Pas de danger, d'autant que nous sommes au portant, le vent venant du 3/4 arrière, dans la même direction que le courant de flot. Boisbarbu va vite: 7 à 10N en surface, et 9 à 14N sur le fond. Au cap sud d'Aurigny, le vent forcit. Il faut rester bien aligné au centre du Singe, et ne pas risquer un départ au lof. Alors que nous étions presque sortis du détroit du Singe, je vois à quelques encablures, la mer hérisser, postillonner, bouillir, comme à l'approche d'un raz tourmenté.
Le passage du "Singe"
Quelle peut bien être l'origine du nom de ce détroit à l'ouest d'Aurigny ? Oui, Aurigny pour les français, et Alderney depuis qu'elle est britannique comme toutes les îles anglo normandes. Est-ce le mot fronçais Singe parce qu'on fait le singe sur le pont en subissant les soubresauts capricieux de ce détroit, ou plus vraisemblablement le mot anglais Swing qui fait danser frénétiquement nos bateaux. Sur les cartes de l'amirauté, il est marqué Swingue, probablement mal traduit par les français en Singe.
Toujours est-il que Boisbarbu s'est fait brutaliser par la mer dans ce passage du Swingue. Des murs liquides verticaux de plusieurs mètres se dressaient devant l'étrave, puis s'abattaient sur le pont dans des fracas assourdissants avant d'envahir tout le roof et le cockpit de son écume blanche. Boisbarbu se dressait comme pour sauter le mur, avant de s'écraser avec violence dans le trou béant qui lui succédait. Du poste de barre, je voyais avec angoisse le mat claquer comme un fouet avant d'être bloqué net par le pataras et les haubans. Ces câbles de 7mm allaient ils résister à ces chocs violents, et ne pas glisser de leurs sertissages. Je n'osais pas penser à une avarie de gréement dans ce passage, ou les courants et marmites drosseraient le bateau désemparé contre les rochers acérés qui nous entourent. Dans la violence des chocs, une pagaie a été éjectée de l'annexe pendue dans le portique, pour retomber à la mer.... Pas d'images malheureusement de ce passage, vu que nous étions très occupés à bien d'autres choses.
Aussitôt après le "Singe", au moment de virer tribord pour rentrer dans la rade d'Aurigny, de longues et impressionnantes déferlantes au nord de la jetée cachaient la visibilité de l'entrée. Ces déferlantes étaient évidemment le fruit de l'arête de roches prolongeant la jetée, mais n'allaient elles pas poursuivre leur course jusqu'à la plage, en m'interdisant l'entrée de la rade. Pas d'autre choix pour le savoir que d'aller voir sur place. En tournant largement ces déferlantes en s'approchant le plus possible de la plage, sans toutefois risquer de s'y échouer, je fus soulagé de voir un passage ou se faufiler pour atteindre la rade protégée, ou le calme succède soudain au tumulte. Ouf ! Il ne reste plus qu'à s'amarrer à un coffre solide, le plus au fond de la rade, et d'attendre quelques heures que le vent et le clapot se calment pour nous laisser rejoindre la terre en annexe.
Le Raz Blanchard
Ce raz si redouté, comme étant le plus difficile et le plus dangereux d'Europe, nous a été très clément. Il n'y avait très peu de vent ce jour-là. Nous le passons donc avec le courant qui nous pousse jusqu'à la rade de Cherbourg, ou l'on croise Iris, ce vieux gréement hollandais. La rade de Cherbourg, énorme, est la plus grande au monde !
Cherbourg
La ville n'est pas bien jolie ni attrayante. Nous nous souviendrons de la fabrique de parapluies (forcément, à Cherbourg !). Evelyne avait pourtant l'intention d'en acheter un, mais au vu des prix, entre 150 et 2000€, sans parler du parapluie des présidents pouvant atteindre 15000€, nous sommes repartis les mains vides. Heureusement, il faisait soleil.
Isabelle et Eric nous quittent, la larme à l'oeil. La Californie est si loin, mais la distance n'a pas distendu notre amitié, et cette semaine partagée dans le petit univers Boisbarbu est une pierre blanche à la croisée de nos 2 chemins. Beaucoup de complicité et d'émotion.
Retrouvailles avec Alain, l'organisateur du premier des rassemblements Feeling en Manche, et avec qui nous avions passé la semaine des Tonnerres de Brest en 2016. Alain a la gentillesse de nous faire visiter en voiture toute la côte nord-ouest du Cotentin, ses criques, ses plages, ses falaises, ses petits villages pittoresques. L'usine de retraitement de la Hague, ou encore Port Racine: le plus petit port d'Europe.
Je vais serrer la main du propriétaire d'un autre Feeling arrivé hier soir sur le ponton d'en face. Le hasard veut que ce soit Jean-Michel, l'organisateur de notre prochain rassemblement des Feeling à Fécamp. Je ne le connaissais que par téléphone. Que c'est bon de mettre un visage sur un nom, sur une voix, surtout quand ce visage est sympathique.
A bientôt !