Cette année, la saison voile est à l'eau.
A l'eau parce que la Bretagne n'a pas connu depuis 40 ans un climat aussi humide, gris, venteux, dépressionnaire. A l'eau aussi en raison de l'état de santé de papa, hospitalisé, opéré du cœur et sur le fil du rasoir depuis le 3 Mai.
Arrivé à Foleux le 23 Avril, les réparations filent pourtant bon train sur Boisbarbu, avec l'aide enthousiaste de Gérard A. La liste d'une centaine d'actions correctives descend à vue d'œil comme la fin d'une marée à grand coefficient. Pas d'imprévu majeur qui ne soit rapidement résolu. Mais le 5 Mai, alerté la veille par maman, j'abandonne Boisbarbu, prends la route pour traverser la France d'ouest en est, et me rendre au chevet de papa. Au lever du jour, je suis victime d'un violent accident : une auto me percute violemment par l'arrière, à plus de 150 kmh. Son chauffeur s'est assoupi, après une nuit blanche trop bien arrosée. Ma voiture, comme celle de mon agresseur, sont détruites.
Je passe ensuite 5 semaines au chevet de mon père, en soins intensifs à l'hôpital de Besançon, ou je me rends plusieurs fois par jour.
Ces semaines d'anxiété, d'écoute, de regards, de rares paroles, de toucher, de silences, resteront gravées comme la rouille dans l'acier, inoubliable et transformatrice. J'en ressors serein, mais vidé.
Papa sort de l'hôpital le 6 juin pour une maison de rééducation cardiaque. Evelyne et moi repartons vers Foleux le 15 juin, pour terminer le bricolage et préparer la mise à l'eau qui a lieu le 20 juin.
Nous avons annulé notre programme de Bretagne nord et îles anglo-normandes, et décommandé les amis qui devaient nous rejoindre. Moi qui me vantais d'être toujours à l'heure aux rendez-vous, cette année, c'est la cata ! Si nous tenons néanmoins à naviguer, c'est pour honorer la promesse que nous avons fait à nos petits enfants, de les accueillir pour l'événement de la semaine de Brest, qui a lieu tous les 4 ans.
Boisbarbu, Evelyne et moi, remontons la Bretagne sud par un itinéraire devenu familier : la route des îles : Houat, Belle-Ile, Groix, Glénan pour nous poser à Camaret. Ces quelques jours rythmés par promenades à terre et longues navigation, se frayent un chemin dans l'humidité des brumes persistantes, dans la fines vaporisation des bruines successives, dans le grondement de navigations à la voile. Quelle satisfaction que ces 8 heures sous spi entre Glénan et Camaret. Boisbarbu arbore fièrement sont nouveau spi jaune, au tissu extra léger, en passant le phare de la Vieille, sentinelle du Raz de Sein.
Mais nous vivons ces navigations dans un étrange état d'esprit. Journées d'errance marine, incertitude, vague à l'âme, manque d'objectif précis, préoccupation. Notre but est clairement la semaine de Brest, puis de rentrer au plus vite sur Grenoble puis Besançon, pour assister mes parents au plus près et organiser leur proche destinée.
Alors, après avoir rejoint la pointe de Bretagne par notre itinéraire habituel, presque machinal, nous faisons quelques ronds dans l'eau en attendant le 13 juillet, date d'arrivée de nos petits-enfants impatients à l'aéroport de Brest.
Camaret, Douarnenez, pays des Abers nous accueillent sous une bruine maussade, comme à l'image de nos pensées familiales au chevet de papa. Un ciel si gris, des nuages si denses et si bas, un crachin si constant, que les bretons implorent le retour improbable de l'anticyclone des Açores.
Douarnenez, ses chantiers, ses sardines, ses traditions
Les Abers, …. Heureusement, Christine, puis Pascal, nous ont bien réconfortés.
Kenavo ...