15 escales aux îles Hébrides

Traversée vers les Hébrides

De Tobermory, ou nous sommes restés 3 jours pour préparer et avitailler le bateau, nous entreprenons de traverser la mer de Minch pour atteindre les îles Hébrides extérieures, comme on appelle cet archipel longiforme de multiples îles et îlots faisant face à l'océan Atlantique, au nord ouest de l'Ecosse. Jocelyne, après avoir un peu galéré dans les transports depuis Glasgow et finalement dormi à Oban, nous rejoint sur le ponton ce mardi matin. 55 milles à parcourir, la météo annonçant un vent de Sud Ouest de force 5 à 7, nous appareillons à 10h30 après avoir accueilli et briefé notre nouvelle équipière qui monte pour la première fois sur Boisbarbu, et se plonge dans le livre culte "Le Cercle Celtique"..

Quelques grains de bruine dans un ciel généralement bleu, un vent de force 4 à 5 Beaufort, nous offrent une traversée rapide, 7,2 à 7,9 nœuds, en un seul bord de près bon plein à petit largue, avec 1 ris dans la grand voile, par excellente visibilité. Nous pouvons apercevoir la terre alors que nous sommes encore à 32 milles des Hébrides. Les îles dévoilent leurs formes montagneuses, dans un dégradé de gris bleus.

"En Ecosse, quand on voit l'horizon, c'est qu'il va pleuvoir".
"L'Ecosse ne connait que 2 saisons: celle du parapluie et celle de l'imperméable".

Castle Bay, île de Barra

Ce qui n'était qu'un minuscule point noir devient la bouée cardinale Sud, jaune et noire, de Bo Vich Chuan, entrée du sound entre les îles de Barra et Vatersay, ou l'on s'engouffre toutes voiles dehors en suivant scrupuleusement le chenal balisé de latérales rouges et vertes, entre hauts fonds et écueils. Le paysage d'îlots couverts de verdure défile trop rapidement pour que nous puissions le détailler, trop absorbés que nous sommes dans cet atterrage qui nécessite une navigation sans faille. Le mouillage de Castle Bay est à une encablure quand nous amenons les voiles en passant devant le petit château juché sur un promontoire rocheux au milieu de la baie. A 19h30, Boisbarbu est solidement amarré à un coffre, la grand voile ferlée et recouverte de son lazy bag, les écoutes et autres manœuvres sont lovées, la manœuvre est donc terminée. Il ne reste plus qu'à remplir le Journal de Bord et à savourer devant un verre de whisky, le bonheur d'avoir conduit Boisbarbu aux îles Hébrides, un objectif majeur de ce périple. J'en avais rêvé… « Yes, we can ! ». J'y suis, Boisbarbu se repose. 

North Bay, île de Barra

Le ciel est bleu, la mer est belle, une bonne brise souffle sur nos voiles. L'île de Barra défile sur bâbord, alors qu'à tribord on voit nettement les reliefs des îles Canna, Rum et Skye, pourtant distante de 25 milles. Au passage de la cardinale sud de Barra, le bout de chariot de génois surpâte et se coince dans la poulie de rappel en coinçant définitivement l'écoute tribord de génois. Ecrabouillés par la force du winchage, l'écoute est impossible à décoincer. Le génois bat, la côte se rapproche, un chalutier coupe notre route… C'est finalement à la cape pendant 2 heures, qu'il nous faut vider le coffre tribord, démonter la poulie de rappel, la désosser. Nous voyons avec frayeur les 50 billes s'échapper et rebondir… On les retrouvera toutes. L'écoute est sauvée, la poulie aussi. L'estomac de Jocelyne n'a pas supporté ce stationnement ondulant dans les vagues. Boisbarbu a dérivé d'un bon mille quand nous regonflons les voiles pour atteindre North Bay.

Note nautique  : En arrivant à North Bay, on peut continuer dans le 305° jusqu'à la conserverie de crabe, puis suivre dans le 270° le chenal balisé par des latérales bâbord jusqu'à des coffres dans 3m d'eau.

Une journée dans les Hébrides

Remonter le mouillage sous le regard distrait d'un phoque. Sortir du loch vent arrière en suivant les méandres de la trace GPS effectuée la veille. Empanner pour atteindre la pleine mer et remonter au nord, vent de travers, sur une mer parfaitement plate tant elle est protégée de l'Atlantique par l'archipel des Hébrides. Sentir Boisbarbu glisser et frémir sur l'onde. Suivre le parcours de caps rocheux sans toutefois trop s'en approcher, par prudence. Admirer un vol de fous de bassans avec en décor les reliefs de l'île de Skye, au loin sur tribord. Border les voiles pour remonter progressivement au vent qui fait giter Boisbarbu. Découvrir notre loch de destination comme une belle inconnue, drapée de vert tendre ou émeraude, mystérieuse. En comprendre les pièges. Tirer des bords de près en slalomant entre les rochers, jusqu'à l'endroit marqué d'une ancre sur la carte. Enrouler le génois, amener la grand voile, explorer le mouillage et poser l'ancre sur un fond de vase dans une crique déserte et découpée. Se réchauffer d'un bol de thé avant de mettre l'annexe à l'eau pour faire un tour à terre.

Acairseid, île d'Eriskay

Un alignement au 285° nous guide vers une passe étroite sur 2 petites perches jaunes et rouges. Passer entre les cailloux en suivant 2 perches babôrd, puis prise de coffre devant un embryon de ponton. Entrée superbe, très sauvage. Nous pouvons débarquer sous la bruine et marcher 2 heures sur l'île en direction du pub.

Loch Boisdale

Une escale du déjeuner, dans un coin tranquille, couronné d'une bonne sieste.

Loch Eynort

Les averses, les grains, la bruine ou le crachin de cet après midi, entourent les reliefs montagneux aux plans nuancés de gris. On est immergé dans l'ambiance écossaise. Quelques virements de bord pour mouiller dans une anse déserte du loch.

Skyport

On rentre dans Skyport en tournant les îlots d'Ornish et une ferme marine ou s'élévent les saumons d'Ecosse. Une étroiture au sud débouche sur un plan d'eau circulaire, parfaitement protégé. Dans une petite branche se repose un voilier, dandinant au gré du vent qui descend en rafale entre les montagnes.

 

 

 

 

 

Sandwick, loch Carnan

Déçu par l'environnement industrieux de Sandwick, nous n'y restons qu'une heure en fin d'après midi et décidons d'une 3 ème navigation du jour pour monter sur l'île de Grimsay.

Kallin, Isle of Grimsay

Belle entrée dans le loch à remonter en zigzags entre les bouées latérales rouges et vertes jusquà Kallin Harbour ou on est censé trouver une bouée visiteur. Mais devant la jetée béton occupée par 4 bateaux de pêche, la bouée n'existe plus. Tentative de mouillage mais la tenue est mauvaise, la place insuffisante pour éviter. Nous retournons mouiller 4 encablures plus au sud, dans une crique en bordure du chenal. A l'étale de basse mer, Boisbarbu n'aura que 50 cm sous la quille.

Dunvegan, Isle of Skye

Impossible de résister à l'attirance que suscite l'île de Skye, par son prestige et son histoire, ses légendes et la beauté de sa géographie et de sa nature. Alors que Skye n'était pas une destination planifiée, Boisbarbu y fait une incursion en traversant le Little Minch qui la sépare de l'archipel des Hébrides. Quelle émotion de voir se rapprocher les falaises noires de Skye surmontées par les sommets découpés des fameuses Cuellins, l'entrée du loch Dunvegan que l'on embouque sous voiles, son château (typiquement écossais) aux pierres sombres tenu depuis 700 ans par le clan des Mac Leods, qui verrouille l'étroiture conduisant au village de Dunvegan, ou l'on frappe l'amarre sur un coffre.

Footing pour Jocelyne et Gérard A, puis soirée au pub local, ou Andrew Gordon anime la soirée de chansons traditionnelles écossaises, qui nous semblent familières tant elles sont présentes dans le folk song américain. Le pub est bourré de jeunes, tous aussi bourrés, d'ailleurs, d'alcools forts et très mélangés qui les font chanter en groupe et danser. Le barman débarrasse à tours de bras les verres vides des tables qui sont aussitôt remplacés par des verres pleins de bière, whisky, vodka, et autres mélanges. Enthousiasmé par cette euphorie et conquis par la voix et la guitare d'Andrew, nous regagnons fort tard et avec peine l'annexe mise à sec par la marée basse, puis notre Boisbarbu se dodelinant derrière sa bouée. Une soirée mémorable.

Loch Maddy, North Uist Island

Nous revoici dans les Hébrides, dont je ressens l'ambiance en rentrant dans la passe carrelées d'écueils. Les 5 coffres devant la jetée du ferry sont déjà occupés. Nous mouillons l'ancre dans une anse au sud du port.

Poll An Tighmail, Loch Rodel

Difficile d'accès, cet endroit m'attire. Vu la description c'est un challenge de rentrer dans la « pool » (la piscine) de port Rodel. La passe d'entrée est très étroite entre 2 falaises noires et découvre à 1,10m. Il faut se présenter à pleine mer. Aujourd'hui, la hauteur d'eau va atteindre 4,50m, ce qui devrait être largement suffisant. Partis du mouillage à 6h du matin, par une température de 12°, Boisbarbu embouque le petit loch Rodel sous voiles, à 6,5 nœuds. Aussitôt les voiles affalées, il faut tourner 90° tribord pour rentrer dans la minuscule passe Bay Channel en laissant la perche bâbord à une longueur. Je regarde anxieusement le sondeur dont les chiffres décroissent rapidement. Nous passons finalement avec 1,20m sous la quille. C'est parfait. On amarre à l'un des 3 coffres au centre de la piscine. Nous sommes seuls dans ce lieu magique. Bonheur à savourer avec un bon petit déjeuner. Cet endroit aurait mérité d'être utilisé dans le bouquin « Le Cercle Celtique ». Mais il est temps de s'enfuir de ce piège avant que la mer ne redescende et ne nous mure la sortie.

Note nautique : la carte ainsi que les indications du Reeds sont nettement insuffisantes pour rentrer dans Poll An Tighmail. Pire que ça, le schéma prétendu détaillé du Welcome Anchorages 2011 est faux dans son orientation : orienté nord-est. Il faut le plan détaillé du Clyde Cruising Club très détaillé.

Tarbert, isle of Lewis

Boisbarbu mouille son ancre tout au fond du loch, juste sous le village de Tarbert, devant le ponton du ferry Mac Brayne qui dessert toutes les îles depuis Glasgow. Impressionnante la gueule du ferry qui s'ouvre grande comme celle d'un requin juste devant notre étrave pour débarquer ses voitures. Brrr ! Ce mouillage n'est pas des plus jolis, mais Tarbert est un charmant village, sans touriste, très vivant et authentique, comme je les aime.

Note nautique : On mouille à l'ancre, au niveau du ponton du ferry, sans danger vis-à-vis du ferry qui vient 2 fois par jour. L'accès wifi gratuit FreeSpot.com est étonnement puissant.

Loch Shell

Ce matin, je suis réveillé à 4h30 par le vent qui forcit. Les vagues rentrent dans le mouillage. Le temps d'enfiler une veste de ciré et d'aller au guindeau pour donner 20m supplémentaires à la chaîne de mouillage. Se rendormir en pointillé tout en contrôlant le mouillage toutes les heures. Le temps est passé au gris et à la bruine. Il faudra ressortir du loch Tarbert avec une quinzaine de virements de bord, face à ce vent de SE, puis passer le cap Gob Rubh Uisenis, en se faisant secouer dans le Sound Shiants par le clapot d'un courant contraire. Dans le loch Shell, une vingtaine de fermes à poissons offrent le spectacle de centaines de saumons qui sautent au dessus de l'eau. Nous trouvons un abri au fond du loch Shell, devant le minuscule hameau de Eishken, complètement calme sur le 58 ème parallèle. Aussitôt à terre, nous sommes subjugués par cette nature intacte et sauvage d'une beauté primaire. C'est dans ces paysages qu'avait été tourné le film "La Guerre du Feu".

Loch Erisort

Partis du mouillage sous la bruine, après le footing matinal de Jocelyne et Gérard A, nous remontons le loch Shell contre le vent d'est force 5 à 6, sous grand voile arisée, en rasant les fermes marines. Au large, dans le Minch, la mer est formée. Nous virons de bord dans le sillage d'un beau voilier britannique, et engageons la course. Nous le passons, mais il se défend bien et a belle allure. Dans le loch Erisort, s'enfonçant très profondément dans les terres de l'île Lewis, nous filons vent arrière, voiles en ciseaux. Quelques empannages pour éviter des écueils et nous trouvons une crique sur bâbord pour abriter un peu Boisbarbu des rafales de vent F6 devant le petit hameau de Kershader. L'éolienne travaille de toute la force de ses 6 pales pour recharger les batteries du bord.

Note nautique : Le loch Erisort, très profond (8 NM), bien que peu documenté, offre plusieurs possibilités de mouillages à choisir en fonction de la direction du vent, avec des fonds de vase. Le notre était à 5805,4N – 0631,1W. Attention aux écueils imergés non signalés au milieu du loch, à la position 5806,6N - 0626,5W: bien qu'ils soient sur la carte on a été déportés dessus à l'aller comme au retour, dans l'étroiture de la passe.

Stornoway

Cette nuit, le vent a soufflé 5 à 6. L'alarme de mouillage du GPS est enclenchée et 40m de chaine déroulées. L'ancre Delta a bien croché dans la vase et remplit son rôle sécurisant toute la nuit. Au matin, la bruine a fait place au soleil. Nous partons tôt et commençons par une vingtaine de virements de bord bien serrés entre les obstacles, contre un vent de force 5 à 6. Une saine manière de démarrer une journée vivifiante. Une fois au large, un bord d'anthologie au petit largue nous propulse sur le port de Stornoway, ou l'on s'amarre à couple d'un grand voilier bleu, au quai sans eau ni électricité. Dernière escale dans les Hébrides, mais dans un port pour la première fois, Stornoway est la capitale des Hébrides. Ville animée, beau chateau, et escale clé pour l'avitaillement, douche, lessive, réparations, avant d'entamer le nord de l'Ecosse et les îles Orcades.

58° Nord

« Mes jours sont plus longs que vos nuits » Même si le soleil se couche à 22h pour se lever à 3h, sa lueur est toujours présente sous l'horizon en éclairant tout le ciel d'une lumière palotte même en plein milieu de nuit. Nos lampes frontales sont devenues inutiles tout comme le feu de mouillage. Ces journées interminables nous offrent une grande liberté dans les horaires de navigation. Je me lève chaque nuit dans cette aube permanente pour me soulager d'un besoin naturel appuyé contre le balcon arrière. La luminosité du ciel ne m'a jamais donné d'observer une étoile.

La partie ouest de l'Ecosse se termine. A nous le grand nord et les Orcades, après un changement d'équipage à Kinlochbervie.

Amitiés marines,
Gérard, le 9 Juillet

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