Le Journal de Bord de BOISBARBU

17 Mai 2008

La Grèce nord Ionienne


au sud-est Préveza, ou a hiverné Boisbarbu. Nous remontons sur les petites iles d'Antipaxi, Paxi, puis Corfou. A droite de la carte, le continent avec la Grèce et l'Albanie au nord dont on distingue la frontière en haut de la carte.

30 Avril 2008

Evelyne avait besoin de repos après son voyage rallongé contre son gré et une semaine de travail intense et courtes nuits, à ranger la maison et régler les mille détails nécessaires avant une absence de plusieurs mois. Nous laissons couler 2 journées paisibles à Préveza, à musarder dans cette petite ville touristique, entre grasse matinées et siestes. Avitaillement, plein de gaz butane, rangement, lavage, restau, glaces (succulentes), internet, mise à jour du site web avec le récit du chantier, téléphone aux parents, … Nous avons pu apprécier ici la gentillesse des locaux, commerçants ou personnes de rencontre, tous ont conquis notre sympathie, par leur accueil, leur sourire (ça va toujours mieux avec), leur aide.

La rencontre avec un couple de voileux de La Rochelle, qui navigue sur Wadi Rum, un Ovni 385. Nos routes se croisent, nos échanges sont donc de courte durée, mais un déclic se passe, dans le regard peut être, et nous aimerions passer plus de temps à nous connaître. Un échange de cartes de visite. Viendront ils à Grenoble, irons nous les voir à La Rochelle ? En tout cas, nous y sommes invités.

Et puis une retrouvaille inattendue : Siriux est là sur le quai municipal, avec Luc et Marie-France. Siriux est un plan Joubert original, entièrement construit par Luc. Je les ai connu il y a un an, jour pour jour, à Leros, une île du Dodécanèse, proche de la cote turque, en mer Egée. Avant de remonter sur Granville, Siriux hivernera à Port St Louis, comme Boisbarbu. Quelle coïncidence ! et que de choses à se raconter pour l'apèro à bord de Siriux.

Après ces 2 journées à Préveza, nous larguons l'amarre sous les clic-clac de l'appareil photo de Siriux, pour rallier l'île d'Antipaxoï au sud de Corfou. L'eau est à 16 degrés, l'air assez vif nous tient abrités derrière la capote de cockpit. On supporte la polaire et même la veste de quart, parfois. Le vent dans le pif nous rallonge l'étape à 44 milles (pas mal pour un premier jour). Comme on disait au Glénans : « au près, c'est 2 fois la distance et 3 fois le temps ». De petits marsouins s'amusent longuement avec l'étrave de Boisbarbu. Ce premier mouillage solitaire, est superbe, à l'image de son nom: l'anse d'Emeraude. Une eau cristalline et turquoise.

Ceux d'entre vous qui attendent un récit de mer étoffé de coups de vent, pigmenté d'orages et de grains, embelli de déferlantes, assorti de pirates et de combats au fleuret, ceux là vont en être pour leurs frais. En effet, la partie grecque de ce périple se résumera en 3 semaines paisibles, par un « temps de demoiselle », ou nous saisirons la moindre brise pour décider de quitter le mouillage et naviguer doucettement jusqu'au prochain petit port, en s'efforçant de ne s'aider du moteur que le plus rarement possible. Trois semaines de vent faible à modéré pour un cabotage tranquille le long des cotes de Paxi et Corfou.

L'île de Paxoï au nord d'Antipaxoï dans le superbe "sound" de Gaïa, chenal hyper protégé entre le corps de l'île et un îlot. L'endroit est splendide et apaisant. Nous lézardons à la terrasse du café juste devant le quai ou viennent s'amarrer les voiliers, parmi les barques de pêcheurs. Cet endroit nous parait idyllique. 4 fois par jour, nous pouvons assister aux manœuvres insolites d'un engin navigant pas comme les autres : un hydravion qui dessert l'île depuis le continent. Il affiche complet, embarquant travailleurs nomades et touristes.

Arrivée à Paxi, l'ordinateur du bord ne veut plus démarrer le logiciel de cartographie. Pas de problème, ce logiciel, je le connais par coeur et j'en fait mon affaire. Ca ne va pas durer longtemps... Une bonne partie de la nuit ne me suffisent pas pour recharger le logiciel, puis windows, puis essayer des dizaines de combinaisons. Rien à faire, il est toujours planté. Le lendemain, je me résouds à changer de disque dur et à recharger toutes mes données et programmes. Ca y est, ça remarche, mais au prix de 15h de travail. Evelyne commençait à s'inquiéter de cette défaillance. De toute façon, j'avais quelques cordes à mon arc, tel que d'autres logiciels de navigation, plus rustiques, un PC portable déjà installé, ou au pire les cartes papiers, le compas et l'estime, comme au bon vieux temps. En 2005, lorsqu'on a convoyé Boisbarbu en Turquie, j'avais embarqué toutes les cartes papiers des mers à traverser. Même les cartes les plus détaillées, la plupart du temps des copies de cartes prêtées par un ami : Michel, qui avait parcouru ces mers avant moi. La cartographie électronique ayant fait depuis de tels progrès, je me contenterai d'embarquer les « routières ». Ce qu'on appelle les routières, en navigation, ce sont des cartes à grande échelle qui décrivent tout un océan ou un bassin, et permettent au moins un atterrissage vers un port principal.

Un exercice de mécanique pour refabriquer un axe inox en remplacement de celui qui a cassé lors d'une fausse manœuvre du guindeau.

D'autres petites avaries vont concerner le loch (instrument mesurant la vitesse), l'anémomètre, le pilote automatique et une déchirure dans le génois. Ce dernier a pourtant été laissé aux bons soins du voilier de Prévéza cet hiver. Mais le travail effectué a été assez approximatif et mal fini. Seule la facture a été fidèle au rendez-vous.

 Cette année, nous avons recruté un marin. Notre âge avancé ne nous permettant plus de forcer sur les écoutes, nous confions ces taches ingrates à notre marin aux allures de pirate. On l'a dégoté dans les bas fonds de Préveza. Mine patibulaire, mais il fera l'affaire pour tourner les winches. Espérons qu'il ne nous boive pas nos réserves d'Ouzo.

Les 4 premières journées enthousiasment le voileux que je suis : 2 journées au près serré, suivies de 2 journées portés par le spi tangonné. Le tout par un vent modéré de force 3 à 5. Le pied ! Boisbarbu file sereinement sur l'onde sans être trop secoué. La bonne allure pour reprendre ses marques et se dérouiller la quille et le safran.

En 3 semaines, la température extèrieure le matin est passée de 12° à 19°, celle de l'eau de 16,5° à 17,5° et le degré d'humidité souvent à 83%. Nous nous baignons très peu. Hubert et Solange se montreront plus courageux.

 

Une nuit à Corfou, dans Mandraki, le petit port enclavé sous la vieille forteresse de la ville. Il nous faut emprunter un labyrinthe de couloirs, arches, coursives, ogives de cette forteresse, pour rejoindre la ville à pieds. Un endroit très insolite dans un cadre historique privilégié. La ville de Corfou, pas encore envahie par les touristes, nous plait, avec son dédales de ruelles, ses rues et avenues en arcades construites sur le modèle de Rivoli, ses vieilles pierres, son charme né d'un savant mélange d'architecture reflétant son histoire : successivement envahie par les turcs, vénitiens, français, britanniques, avant de redevenir grec.

 

Puis c'est le temps de la pètole ! Eole est en grève ou quoi ? Le service minimum est tout juste assuré : 4 jours de calme plat, à se déplacer, juste pour changer d'air, d'un mouillage à l'autre sur la côte nord ouest de Corfou. Nous profitons de ces journées de calme pour préparer le bateau à recevoir nos amis Solange et Hubert, à lire, jouer au scrabble, gratter la guitare, mateloter, réparer les premières petites avaries. Les nuits sont sans vent elles aussi, mais les mouillages sont rouleurs. Le bateau roule d'un bord sur l'autre dans des oscillations qui s'amplifient, se calment pour reprendre de plus belle. Les planches de la couchette grincent, quand ce n'est pas le bbloup-bbloup des vide vite de cockpit, le clack-clack de la porte des toilettes, le gling-bling des équerres de table du carré, le clang-clong d'une drisse dans le mat, le chtack des mouvements du tangon, le toc-tac d'un bol dans l'équipet à vaisselle, Quantité de sons pas toujours identifiés nous produisent un concert aléatoire, imprévisible, surprenant, lancinant. Boisbarbu revit de toute son anatomie.

La dernière semaine a été riche de l'amitié et la gaieté de nos amis Solange et Hubert, avec qui nous avons fait une légère incursion sur la frontière albanaise, retourné sur l'idyllique île de Gaia et découvert la cote ouest de Corfou. Une semaine douce par leur présence et par la clémence du vent. De courtes et agréables navigation entrecoupées de visites des villages ou l'Ouzo nous guette à chaque coin de rue.

11 Mai

A Pagania, nous passons l'après midi dans le bateau, pour échapper à la pluie orageuse qui s'est abattue sur la région. En fin d'après midi, au premier rayon de soleil, on gonfle l'annexe et allons tous les 4 accoster au petit ponton de la seule maison installée sur cette baie. Belle balade dans les collines verdoyantes. Nous passons un col, une crête puis descendons vers un village au fond d'une vallée sous nos pieds. Le soir tombant nous rappelle que nous devons rebrousser chemin pour retourner à bord, avant la nuit. Au retour au col, un berger nous regardant, curieux, nous informe que nous avons passé la frontière d'Albanie, à notre insu. Nous avions bien remarqué une zone de blockhaus et de miradors mais sans y prêter attention. Nous étions donc en Albanie, sans nos papiers, ni argent !!

17 Mai 2008 

Paleokastrita, sur la cote ouest de Corfou, ses calanques et eaux turquoises.

 

Quand il est temps pour Solange et Hubert de reprendre la terre pour finir le tour de Corfou en rando pédestre, je les dépose en annexe sur une vieille jetée en pierre recouverte d'algues sèches. Pincement au cœur de les voir s'éloigner avec leur sac à dos. C'est aussi pour nous le jour ou il faut quitter la Grèce, non sans émotion. Nous avons aimé toutes ses îles, ses mouillages superbes, ses villages paisibles et charmant, ainsi que la gentillesse et le sourire des habitants de la mer Ionienne. Rien à voir avec la froideur des habitants de la mer Egée. L'influence italienne sans doute, encore sensible

Notre coup de cœur aura été le port de Gaia et son village, sur l'île de Paxi.

Mais cette saison, d'autres pays nous attendent et nous réservent leurs aventures. Les 70 milles qui nous séparent de l'Italie, à l'extrémité du talon aiguille de sa botte, sonnent le retour vers l'Europe occidentale, ou je retarderai la montre d'une heure. Depuis quelques jours, je ne rate aucun bulletin météo, pour effectuer cette petite traversée dans les conditions les plus favorables.

Amitiés marines à tous, et à bientôt, en Italie.

Evelyne et Gérard.

 

 

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