30 Avril 2008
Le projet du parcours 2008
Retour par le chemin des écoliers
Cette saison, ce sera le retour en France de Boisbarbu. Ce retour au port d'attache, Port St Louis du Rhône, est la fin d'une magnifique aventure dans tout le bassin méditerranéen. J'écris ça avec un peu de tristesse, préférant les aller aux retours ! Je me souviens de cette désagréable sensation à mon arrivée sur Grenoble, en 2001, au terme de notre année sabbatique, comme un retour à la case départ, un retour d'un an en arrière. Mais il faut bien, parait il, revenir un jour. Alors pour retarder le jour de la sortie de l'eau à Port St Louis, j'ai prévu ce retour par le chemin des écoliers avec de nombreux équipiers qui se succèderont à bord, familles et amis. Alors que 2 semaines auraient suffi pour convoyer de Préveza à Port St Louis, il nous faudra plusieurs mois pour ce retour par Corfou, les Pouilles, la Calabre, la Sicile, Malte, la Tunisie, la Sardaigne et Marseille. Et puis ce retour au port d'attache sera pour Boisbarbu l'occasion d'un "grand carénage" pour se préparer à de nouveaux vagabondages. Des projets plein la tête…
Parti de Grenoble le 16 Avril, au petit matin, après de fébriles préparatifs. Ne rien oublier dans le sac, repasser en revue les checklists interminables pour entasser quelques centaines de petits objets à emporter sans faute à bord. La compagnie aérienne (Brussel Airlines) me limite à 20kg. J'en ai 40 ! que je réparti en 23kg dans mon gros sac à dos destiné à la soute, et 17kg dans mon petit sac de cabine (trié suivant la densité et la possibilité de franchir avec succès les contrôles de sécurité). Fier d'avoir su baratiner l'hôtesse d'enregistrement pour qu'elle accepte la surcharge, et d'avoir feinté au contrôle de sécurité, je suis enfin assis dans l'avion, en nage. Il faut dire que n'ayant plus de place dans mes sacs pour emporter des vêtements, j'ai tout mis sur moi, en couches successives. Le déshabillage sera comme un épluchage d'oignon. De toute façon, pour 4 mois de bateau en été, je n'ai pas besoin de grand-chose.
J'apporte tout de même avec moi 2 souvenirs: - un tea shirt marrant qu'Yves m'a posté de Nouvelle Zélande et qui résume bien tout l'intérêt de pratiquer la voile, - et un très utile couteau Suisse que Bill m'a offert à San Jose. Bill m'avait aussi fait connaître en 1997 Jimmy Buffet et ses chansons de marin. Depuis, son CD ne quitte plus le bord.
Il me faut 40 heures pour rallier mon cher Boisbarbu: par bus, tramway, navette, avion, re-avion, re-bus, métro, hôtel, re-re-bus (7h d'Athènes à Préveza), taxi me font abominer tous ces moyens de transport et l'inertie grecque. Je regrette le temps de la Turquie, ou j'arrivais le midi même à Bodrum et vers 14h sur Boisbarbu. Mais je vous l'avais déjà dit: plus je connais la Grèce et plus j'aime la Turquie.
Un vol fascinant de Bruxelles à Athènes
Le voyage en avion m'a pourtant offert un spectacle fascinant: Par la plus curieuse des coïncidences, notre vol a pris le tracé de routes maritimes de Boisbarbu. Passant non loin de Trieste, j'ai pu survoler toutes les îles dalmates de Croatie, merveilleux enchevêtrement d'îles ciselées par le soleil couchant, magnifiques enfilades des îles Kornatis, gorges profondes de la rivière Krka de Sibenik. Mon cerveau s'évade vers le souvenir lointain (1985) de notre parcours de 2 semaines en planche à voile, parmi ces archipels, et plus récemment (2004) vers nos 2 mois de navigation avec Boisbarbu. Puis Corfou, Paxi et Antipaxi, que nous avons parcouru l'été dernier à notre retour de Grèce sur Détermination. Quelle émotion de voir Préveza de 10000m d'altitude, sa baie et surtout le chantier de Cleopatra ou j'imagine distinguer Boisbarbu à l'extrême nord est de ce grand terrain. Séquence émotion. Survol de Levkas et ses meganisis: île multi découpée comme une feuille de fougères ou nous avions trouvé de multiples mouillages l'été dernier.
Pendant 2 h, le nez collé au hublot, je décode ce paysage aérien comme penché au dessus de ma carte marine. Les mêmes formes, avec un soleil rasant renforçant les découpages et le relief. 2 h pour passer en revue des mois de navigation. Mon excitation est à son comble à la remontée du golfe de Patras puis de Corinthe: le port de Navpaktos comme un La Rochelle miniature. Mais la route dévie un peu trop au sud, me privant du spectacle du canal de Corinthe. Je me console en retrouvant ces paysages îliens du golfe de Saronique avant d'amorcer notre descente vers le Pirée.
La vie de chantier
Cleopatra Marina est un grand terrain, vaguement organisé par une entreprise grecque qui a vu le vent venir, et profite de cet eldorado que la plaisance peut encore représenter en Grèce. Tout comme Boisbarbu, chaque bateau repose pendant l'hiver sur ses 4 pattes de ferrailles qui ont résisté aux vents violents et à de possibles tremblements de terre. Ils attendent leurs propriétaires, qui, le printemps venu, arrivent les valises remplies de pièces de rechanges et la tête pleine des projets élaborés pendant l'hiver.
On me demande souvent: "Pourquoi mets tu ton bateau à sec ?" Cela a 4 avantages: - il n'est pas soumis aux conditions violentes de la mer en hiver et ne risque donc pas de se détériorer (coups contre la coque, usure des amarres, destruction des pare battages), - il n'est pas dans ce milieu hostile qu'est l'eau salée (osmose de la coque, détérioration galvanique des métaux), - les coûts de parking à sec sont en général inférieurs à une place dans l'eau, - il est plus facile de bricoler sur un bateau à sec, immobile, que sur un chantier mouvant, bien que l'accès à bord par une échelle ne soit pas des plus commodes.
J'arrive à bord avec une liste de 80 points, réparations, améliorations, la plupart bien préparés à Grenoble pendant les longs mois d'hiver. Mais en plus, Boisbarbu comme chaque bateau, a plus d'un tour dans son sac, pour réserver de mauvaises surprises à son propriétaire: une fuite sous le pont, une moteur qui ne veut pas redémarrer, un parc de batteries à bout de course, des vaigrages qui se sont décollés et pendouillent lamentablement dans les cabines, une timonerie attaquée par la rouille, les garcettes de rappel de drisse cassées pendant l'hiver abandonnant les drisses en tête de mat, un gel coat jauni, ou bien d'autres farces, que seuls nos bateaux déjà vieux savent nous concocter.
Alors, nous, les amateurs (amateur = celui qui aime), on leur pardonne leurs facéties, et même si on n'en sourit plus, on les bichonne et on casse la tirelire d'un budget imprévu pour réparer les caprices de nos danseuses. Comme tous ceux qui m'entourent dans ce chantier vague, je gratte, ponce, nettoie, lime, scie, me tape sur les doigts, peste, transpire, jure parfois, et prends ma douche salvatrice chaque soir, avant un apéro bien mérité. Ici, c'est l'Ouzo, sec ou noyé, peu importe, pourvu qu'on ait l'ivresse.
J'aime cette photo qui montre la "qualité" de la borne électrique du chantier et sa disposition astucieuse sous les robinets d'eau, qui fuient évidemment !
Les bons moments viennent quand son pont bien propre, Boisbarbu commence à s'habiller, dans un long cérémonial: ses drisses, bosses, écoutes, ris, puis enfin enfile langoureusement sa garde robe: génois et grand voile. Quelques accessoires affriolant dont le pavillon pour couronner le tout. Boisbarbu est prêt pour que la chaise à porteur (pont roulant de 50 tonnes) vienne le chercher et le poser délicatement sur l'eau. Je l'observe. Il semble heureux. Tout est parfait.
Etonnement, mes repas sont des spécialités croates, grâce aux restes de la cambuse de Magritte, que Dominique et Jacques m'ont laissé au terme de leur navigation Zadar-Préveza. Sinon, je suis invité presque chaque soir, pour un apéro se prolongeant parfois en dîner spaghett's, dans des bateaux différents. Souvent des français. Le prétexte étant ma passion pour la Turquie, ou mes rares compétences informatique ou électronique qui me permettent de dépanner ou configurer l'installation d'un voilier. Les marins que je côtoie sont souvent des couples qui vivent leur passion au travers d'un petit voilier, objet de leurs rêves, ou sont passées les économies du foyer. Fruit d'une vie passée à rêver sur les pages de Moitessier ou devant Thalassa, récompense au terme d'une vie de labeur, quand la forme physique n'est plus là pour réaliser le grand rêve du tour du monde. Non, les marins d'ici n'ont rien à voir avec ce que certains imaginent, des riches milliardaires aux grands yachts tout blancs. Non, ceux-là ne se mêleraient pas aux centaines de petits marins, et n'inviteraient pas l'inconnu que je suis. Je me sens bien chez les "petites gens", "la France dans l'eau", marins amateurs qui cachent leurs dizaines d'années d'expérience derrière un sourire timide, une bouille échevelée, parfois mal rasée. Je les reconnais au supermarché, pour l'avitaillement que l'on range soigneusement dans un grand sac à dos ravaudé que l'on rapporte au bateau sous le soleil de midi en pliant l'échine. Juste pour se donner l'image de vivre son rêve.
En Grèce, c'est la semaine pascale, avec 3 jours fériés ! Allez comprendre pourquoi orthodoxes et catholiques ne se sont pas mis d'accord sur les dates de Pâques. Ca y est, j'ai la réponse que m'apporte mon ami Jeannot: il s'agit de calendriers différents: Julien et Grégorien ainsi que conventions différentes dans les calendriers lunaires. Ces calendriers n'utilisent pas la lune véritable, mais des phases fictives. Et enfin, chaque calendrier a sa méthode pour se caler sur le soleil, de temps en temps. Pour en savoir plus sur les dates de Pâques.
Ici, ce sont grandes festivités: on tue moutons et agneaux en quantité le tout couronné de pétards et feux d'artifice. Je suis d'ailleurs invité à un dîner pour l'agneau pascal, arrosé d'Ouzo et du vin local.
Les réparations nombreuses m'ont tant occupé que je ne mets à l'eau que le 29 Avril. Evelyne arrivant le soir même, je n'aurai pas de navigation en solitaire cette année. Juste le temps de convoyer Boisbarbu du chantier qui est sur la presqu'ile d'Aktio, vers la ville de Préveza pour amarrer au quai municipal et attendre tranquillement Evelyne au bus de 22 heures.
Mais ce n'est que vers 2h du matin, qu'elle pointe son nez à Preveza, le vol par Bruxelles ayant été annulé et remplacé par une escale à Rome: plus direct finalement, mais plus long. Elle m'apporte le sourire et le fameux Rapala rose, offert par Renaud, qui va assurer à Boisbarbu, n'en doutons pas, une pêche miraculeuse.
Le planning
Lao Tseu a dit un jour : « Le vrai voyageur n'a pas de plan bien défini, et surtout n'a pas le désir d'arriver ni de rentrer chez soi ». Bien que le désir de rentrer chez moi me soit parfois étranger, je ne me sens pas du tout un vrai voyageur au sens de Lao Tseu, car j'aime me fixer un plan défini, . Je vous livre donc mon plan de l'été, n'en déplaise à Lao:
Alors à bientôt pour un récit de navigation ...
Gérard.
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