Le Journal de Bord de BOISBARBU

20 Juillet 2007

Le vent siffle dans les haubans, les drisses cognent contre le mat dans un tintamarre assourdissant, le grognement de la chaîne de mouillage sur le fond résonne dans toute la coque, Boisbarbu se met de travers sous la pression des rafales, avant d'être rappelé violemment par le mouillage dangereusement tendu.
Je profite de cette soirée de veille (peut être pour une nuit blanche) pour écrire ce 3ème et dernier récit du périple 2007 de Boisbarbu. Avec ce vent, au mouillage, on doit assurer des quarts. L'éolienne charge largement les batteries. L'ordinateur et la lampe du carré peuvent consommer sans scrupule.
Baie profonde qu'on n'a pas vraiment choisie, dans le golfe de Corinthe. On est tombé là ce matin, dans cet endroit quelconque qui nous est apparu comme un refuge, alors que le vent hurlant faisait trembler la mâture, et soulevait des vagues qui nous giflaient le visage. Alors, par crainte de casser du matériel, on s'est résolu à cet abri, le temps de laisser passer le coup de vent force 8 ou 9. D'autant qu'avant-hier, dans les rafales, la grand voile s'est déchirée. Après 6 heures assidues de couture, force est de constater que cette voile est à bout. Pas étonnant après plus de 25000 milles de navigation. Il va pourtant falloir qu'elle tienne jusqu'au retour de Boisbarbu en France, en 2008. Là je la remplacerai. Elle devra passer quelques heures sur la table de couture d'un voilier compétent, que je trouverai peut être à Préveza. C'est donc surtout par égard pour cette vieille dame de grand voile, qu'aujourd'hui, nous avons préféré renoncer à poursuivre notre route vers l'ouest, vers le golfe de Patras.

Les Sporades du nord

Renaud et Renée sont montés à bord à Nea Moudhania, le 8 Juin, dans le nord-ouest de la Chalcidique. Ils attendaient sur la jetée, les sacs remplis de gourmandises françaises, quand Boisbarbu est apparu dans la soirée, sous son grand spi rouge et bleu.

Joie des retrouvailles, déballage des cadeaux et installation dans la cabine avant qu'ils connaissent bien, puisque leur carte "Frequent Sailor" sur Boisbarbu bien remplie.

A l'aube du lendemain, nous larguons l'amarre pour une belle traversée de 75 milles vers les îles Sporades du nord. On embouque un défilé étroit au nord de l'île Panaghia. L'impressionnant entonnoir rocheux nous conduit dans un véritable trou à cyclone, isolé et abrité de tout. Cette île paradisiaque nous offrira un autre abri total au sud.

 

Les îles Sporades se succèdent devant l'étrave et nous ravissent par leurs paysages, leurs baies découpées, leurs monastères et leurs villages blancs. Les perspectives sur la succession de toutes ces iles et ilots des Sporades sont grandioses. Un paradis pour la navigation.

•  Panaghia, déserte, restera ma favorite.

•  Peristeri et sa crique Vasiliko d'où l'on voit en enfilade toutes les Sporades au coucher du soleil.

•  Alonisos et son ancien village Chora d'où l'on surplombe une crique sauvage avec un vieux moulin. C'est décidé, ce soir nous dormirons là. Elle n'est pas décrite dans les guides: à nous la découverte, à tâtons, au milieu d'éventuels écueils.

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Skopelos ou le village surplombant le port est un labyrinthe de ruelles étroites, enserrées entre les maisons d'architecture byzantine, entrecoupées de chapelles et monastères.

3h du matin: une violente bourrasque s'engouffre dans le port et tire dangereusement sur les ancres. Je me retrouve à poil sur le pont pour doubler les amarres et équilibrer Boisbarbu. Sur tribord, mon voisin britannique, beaucoup plus smart, a pris le temps d'enfiler son short et sa chemise bleue. Très british.

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Skiathos
A quelques encablures de l'île, on oublie de relever la ligne de traîne. Un hors bord nous arrache la ligne et le rapala. Le même jour, on accroche la ligne dans un sac plastique, puis sur un casier. Les joies de la pêche en mer. Et toujours pas de poisson au bout ! Au mouillage, un bateau de location manœuvré par des débutants, mouille juste devant notre étrave. Comme disait Jeff, notre entraîneur de ski de fond: "on a le nez dans l'cul".
La ville est grande et jolie. Mais envahie par les restaus, les bars branchés et les boites de nuit boum-boum. D'énormes ferries déversent toutes les heures des touristes alors que les avions se succèdent pour les remporter sur Athènes.

Nos amis posent là leur sac, au bout d'un ponton de bois branlant, ou ils sautent du balcon avant. Ce fut une très belle semaine, d'amitié et de gentillesse. Encore un grand merci à Renée qui a passé des heures à continuer le travail de couture commencé par Monique, sur la capote de descente. Tache besogneuse et ingrate ou l'aiguille passe plus facilement à travers le doigt qu'au travers des tissus durcis par le sel et le soleil.

L'ile de Skyros

54 milles nous séparent de Skyros, que nous franchissons aisément sous spi. De plus, la cerise sur le gâteau: un maquereau de 47 cm au bout de la ligne. Evelyne et moi nous organisons tranquillement pour freiner Boisbarbu, fatiguer le poisson, pendant que nous préparons tout le matériel dans la jupe: les seaux d'eau, le couteau, la planche, le tupperware, et sans oublier l'Ouzo pour occire notre poisson en lui filant une rasade dans les branchies en signe de bienvenue sur le pont: mort immédiate, dans le plaisir alcoolique.

Nous amarrons Boisbarbu à couple d'un bateau de pêche ou 4 géorgiens (oui, les grecs emploient des géorgiens pour faire le sale boulot) nettoient les filets. Ca sent fort et les mouches sont aux anges. Nous aimons ce port, loin des touristes, entre Sporades et Cyclades. C'est un plaisir que de déguster notre maquereau arroser d'un vin de chardonnais grec.

 

Nous passons des moments merveilleux dans les ruelles de la Chora de Skyros, sans un touriste, à la terrasse d'une petite taverne, ou sur une plage déserte splendide ou une longue piste forestière a guidé notre scooter.

Eubée (Evvoia sur la carte)

Collée à la cote grecque, Eubée ne semble pas être une île. Et pourtant, c'est la deuxième île grecque par sa taille. Nous abordons Eubée au port de Kimi, sous les rafales d'un meltem furieux. Les voiles sont vite réduites puis affalées pour nous amarrer au quai du grand port de commerce vide de Kimi, sous les yeux de quelques grecs qui ne nous donnerons pas un coup de main pour prendre l'amarre. Le nom de Kimi a résonné dans nos têtes pendant ces dernières semaines. Nous imaginions une ville animée, des possibilités de visiter l'île en scooter, de trouver enfin un shipchandler pour réparer les quelques avaries qui s'accumulent sur Boisbarbu et surtout avec un bon restau pour fêter notre 10 ème anniversaire de mariage. Grosse déception: Kimi est une petite ville banale, sans charme, sans restaurant autre que des fast food. Quant au magasin d'accastillage qui se fait attendre depuis 2 mois, ce n'est pas encore ici que nous le trouverons.

Le lendemain, nouvelle tentative au sud d'Eubée dans le port de Karistos ou nous amarrons a coté de bateau de pêcheurs. Une fois de plus, Evelyne est scandalisée par le manque d'égard des pêcheurs grecs qui nous toisent d'un regard indifférent alors que nous nous évertuons à passer les amarres à quai dans une manœuvre rendue difficile par le vent de travers. Cette expérience mainte fois renouvelée tout au long de notre voyage nous en dit long sur le manque de solidarité des marins grecs. Une autre fois, alors qu'une femme grecque tire comme une forcenée sur l'amarre de son bateau moteur, 2 grecs costauds sur le quai, la regardent depuis un moment, les bras croisés. Témoin de la scène, je vais donner un coup de main à cette femme. Ah, ces grecs, quelle solide réputation ils se taillent. Un touriste me confie: "Quand ils n'ont pas la cigarette dans une main, le téléphone portable dans l'autre, et un verre d'Ouzo devant eux, c'est pour avoir les bras croisés !" Voilà, c'est dit !

Un Coast Guard apparaît pour nous faire dégager de ce quai et nous sommer de venir faire les formalités à son bureau. Je vais donc faire tamponner mon Transit Log vieux de 2 ans, sans préciser bien sur, que Boisbarbu a séjourné en Turquie entre temps. Ca y est, on est en règle enfin. Je retardais cette formalité jusqu'à l'ouest de la mer Egée, pour faire croire que nous arrivions d'Italie, et non de Turquie. Ouf, ça a marché.

Le lendemain, au sud d'Eubée, nous quittons la mer Egée en nous dirigeant vers le cap Sounion, célèbre pour son temple de Poséidon, envahi par les touristes au coucher du soleil,. Nous visiterons le temple à l'aube, avant l'ouverture, en passant par un trou dans les barbelés, une marche dans le maquis et quelques pas d'escalade au dessus de la mer. Emotion de tourner cette page du voyage, toutes ces îles parcourues en mer Egée, et de laisser loin dans le sillage, la Turquie qui nous avait tant séduits. "Partir, c'est laisser une route derrière soi".

 Golfe Saronique (golfe au sud d'Athènes, à l'est de Corinthe)

Boisbarbu, impatient de passer le canal de Corinthe, file allégrement sous spi par un vent de sud-est à 18N. Il croise le rail des cargos allant au Pirée. Les relèvements au compas nous permettent de savoir avec précision si nous faisons route de collision. Avant d'aborder Egine, nous relâchons une nuit sur l'île Moni. Au dessus du mouillage, une pinède abrite des biches, cerfs et couples de paons. Coup de cœur !

Egine est une ville très animée, touristique, sale et bruyante. Nous y passons pourtant une nuit. Sur tribord, un couple de français de la Plagne, sur ZEPHYR, des copains de Jacky, lors de la mise à l'eau à Sète de son trimaran. Une fois de plus, le monde des marins est petit. A défaut de Shipchandler, je les dépanne d'un flacon de produit pour leur WC chimique. Sur les quais, je trouve quelques vieilles planches que je découpe pour faire gabarit de plancher pour la cabine arrière.

Les nuits sont si chaudes qu'on installe des coussins dans le cockpit, après avoir démonté la barre à roue, pour dormir à l'air. La journée on enregistre 40° à l'ombre, 56° au soleil et un air sec à 17% d'humidité. Malgré les litres d'eau qu'on ingurgite, on n'urine plus. Le vent devient brûlant en passant sur la terre. Heureusement, ce n'est que l'affaire d'une semaine. Et quand on sait qu'il fait froid et pluvieux en France, on ne va surtout pas se plaindre.

Canal de Corinthe

Nous sommes un peu impressionnés par la perspective du canal de Corinthe, cette tranchée de 6km taillée dans des falaises de 75m et large de seulement 25m. Voici plus d'un siècle, il a transformé le Péloponnèse en une île. Evidemment on ne s'y croise pas, alors l'administration du canal organise les allers et retours. Pour un petit bateau comme Boisbarbu, le péage est de 127€, vite réglé à un préposé peu aimable. Eh oui, c'est le canal le plus cher du monde au km. Nous avons la chance de passer le canal seul, précédé de quelques centaines de mètres par le bateau ouvreur (un remorqueur). Evelyne mitraille de photos, pendant que je barre, satisfait, une bière à la main.

Cette fois, la mer Egée est bien derrière nous. A nous la mer Ionienne !

Après une courte escale à Corinthe, grande ville sale et morte, sous un soleil à 55°, pour faire le plein de gasoil, nous nous réfugions 5h plus tard dans les îles Alkionidhes dans un mouillage sinistre, ou une nuit calme nous attend.

Golfe de Corinthe

Nous voulons atteindre Gallixidi, mais la forte houle nous annonce un vent d'ouest, d'abord à 20N puis 30N et enfin 35N avec des rafales à 40. Journée sportive et stressante. Nous ne franchirons pas le cap et fuyons nous réfugier dans une baie profonde, abritée, pour se reposer et vérifier le gréement. C'est cette nuit ci que j'ai commencé ce récit. La grand voile est déchirée. Lever tôt car 6 heures de réparation sont nécessaires avant de pouvoir reprendre la mer.

Les 2 journées suivantes sont du même style: du vent dans le nez, une mer courte et cassante. Le foc de route a remplacé le génois, nos harnais sont capelés. Le moral en prend un coup. Heureusement, l'ancre tient bien dans les mouillages sous les assauts des rafales tourbillonnantes entre les falaises, et la nuit nous apporte du repos.

La récompense, c'est le village de Trizoni. Un petit bijou, plein de charme, une petite place avec quelques tavernas, une fontaine, des îlots protègent la baie découpée de la marina. C'est un point de rendez vous des bateaux de voyage et nous y faisons quelques connaissances. Armé de mon fer à souder, je vais dépanner l'électronique d'un couple de français, d'Arcachon. Un couple de belges qui navigue en Grèce et Turquie depuis 1964, partage avec nous leurs expériences.

Sur la route de Patras, nous relâchons quelques heures au minuscule port de Navpaktos: haute muraille circulaire dont la petite entrée est encadrée de 2 tours de pierre. Une pure merveille d'architecture. Les quelques bateaux pouvant y prendre place, mouillent cul au quai, et toutes les ancres et chaînes s'emmêlent au centre de ce port. Le temps de faire quelques courses de légumes et de visiter l'église orthodoxe qui est l'une des plus belles de ce voyage, et nous relançons Boisbarbu vers l'ouest.

Le pont de Patras, d'architecture monumentale et pourtant élégante, est passé sous les rafales de vent arrière et de forts courants. Les oscillations du vent nous obligent à un empannage juste sous le pont, pour éviter l'une de ses énormes piles. Le soir, nous embouquons le canal de Missalonghi, long de 5km, au milieu des marécages et marais salants, des flamants et tortues, des maisons sur pilotis, pour terminer dans une grande "marina" financée par l'union européenne (72 millions d'€) et jamais terminée.

Les marinas

Comme toutes les marinas grecques que nous avons vues (Samos, Chios, Plaka, Samothrace, Thasos, Pirgadhikia, Nea Skoni, Nea Moudhania, Skyros, Kimi, Karistas, Galaxidhi, Trizonia, Missalonghi, Argostoli, … eh oui, ça en fait pas mal), elle commence par une débauche de gros moyens, puis est laissée à l'abandon au milieu des travaux: les budgets se sont volatilisés, les matériaux sont détournés ou pillés, des quais armés de beaux anneaux en inox n'ont que 50 cm d'eau ou sont encombrés de rochers, le béton de mauvaise qualité craque de toutes part, les robinets d'eau n'ont jamais été installés, les trous sont des pièges dangereux pour le piéton nocturne tardif, les épaves encombrent les bassins, les ordures s'accumulent, les rats élisent leur domaine. Nous avons vu cela de nombreuses fois en Grèce et le scénario est toujours le même. On apprend que le maire s'est fait construire dans le même temps une immense et outrageusement luxueuse maison. Pure coïncidence ! Tous les témoins de ces budget dilapidés sont outrés par tant de gaspillage et de corruption, là ou la Grèce a le potentiel touristique pour développer des infrastructures d'accueil, des moyens pharaoniques concédés par l'Europe, elle mets bien peu de volonté et d'énergie pour exploiter cette aubaine, et développer l'économie locale. Aujourd'hui, les grecs se font du souci parce que le vent des subventions est en train de mollir, au profit des nouveaux entrants que sont la Roumanie et Bulgarie.

Les îles Ioniennes

Sorti du golfe de Patras, la mer Ionienne s'ouvre devant l'étrave de Boisbarbu. Une nouvelle mer, de nouveaux régimes de vent, des températures plus raisonnables, des bulletins captés d'un nouvel émetteur (Kerkyra), un peuple différent que nous allons découvrir avec étonnement: une nouvelle page de notre périple s'ouvre.

Zante et sa cote ouest désertique et sauvage. La calanque de Vroma, tortueuse et resserrée nous offre un superbe abri au vent de nord-ouest. Visite en annexe des grottes ensoleillées par ce soleil couchant.

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Céphalonie nous accueille avec sa plage Spartia, surplombé de falaises de grés clair ou le vent a sculpté des colonnes de temple grec.

Puis le port de Lixouri et celui d'Argostoli, capitale de l'île, que l'on découvre comme une ville très riche et animée, aux commerces parfois de luxe. Amarré au même quai, ce petit bateau rouge en acier parait bien fatigué. Une tête hirsute et souriante en sort.

Ce belge d'une cinquantaine d'année revient d'un tour du monde de 11 années. Il nous conte ses aventures. C'est le 2 ème tour du monde qu'il boucle à bord de cette petite embarcation de 9,50m. Le bateau est baptisé PETITE SIESTE ! Un grand bord de spi nous porte dans le petit port d'Assos, un petit bijou. La dégustation d'une bière sur le port est un instant de plaisir à goûter très fort. Trois heures d'enchaînement de toutes les manœuvres de voile que l'on puisse imaginer conduisent Boisbarbu dans le port de Fiskardho. Splendide, un St Tropez des années 60. Décidemment, Céphalonie n'en finit plus de nous dévoiler ses trésors. Nous l'arrosons d'un excellent vin de Chardonay local.

•  Ithaque devient le terrain de jeu de Boisbarbu. Nous entrons dans l'anse circulaire de Nikolaos, défendue par un îlot et des hauts fonds rocheux dangereux car on ne les aperçoit qu'au dernier moment et ils n'apparaissent pas sur la carte de l'amirauté britannique. On se croirait dans un mouillage antillais. L'ancrage est capricieux: nous passerons une nuit d'inquiétude à chaque dérapage du mouillage.

Très tôt le matin, le gros yacht, pavillon maltais, mouillé non loin de nous, envoie une annexe à terre, porter 5 énormes sacs poubelle. Le marin de corvée abandonne discrètement les sacs sur la plage. Mais la scène n'a pas échappé à Evelyne derrière ses jumelles. Nous décidons d'intervenir pour ne pas laisser faire impunément un tel acte de pollution. Je saute dans notre petite annexe et file sur le yacht. Poliment mais fermement, je parlemente avec l'équipage. Le ton monte vite.. Ceux qui me connaissent en colère savent que je peux devenir très incisif. Je ne suis pas écolo, mais ne peut pas supporter qu'une si belle nature soit ainsi dégradée. Alors à ma menace d'envoyer un rapport aux autorités maritimes grecques et maltaises, ils vont rechercher les sacs de détritus et les emmènent dans un container poubelle du port 2 milles plus loin.

La météo annonce un coup de vent. Nord Ouest force 7-8. Nous nous réfugions au petit port de Frikes pour laisser passer et en profiter pour visiter Ithaque en scooter. Le petit port de Kioni nous séduit par son charme, alors que celui de Vathi nous impressionne par sa rade ravagée par vagues et ressac violents. La petite épicerie de Frikes proposent de nombreux services: Internet, scooters, douches. Evelyne est ravie de prendre sa première douche chaude depuis 2 mois !
Nous dînons avec Fred et ses 2 amis de Montréal, que nous avons aidés à leur arrivée à quai. La soirée se termine tard dans la nuit, à bord de leur voilier HUGO autour d'un bon verre.

•  Atoko , minuscule et déserte nous offre un mouillage digne des Caraïbes. Coup de cœur entre de hauts plissements calciques, au milieu de taches bleues turquoise. C'est décidé, nous y passerons la nuit, loin de tout.

•  Meganisi ou les multiples dentelures profondes de la cote nous font penser aux trous à cyclone du sud de Grenade. Nous y posons plusieurs fois notre ancre pour des déjeuners.

•  Skorpios , l'île privée de la famille Onassis, très boisée, protégée par tout l'archipel et par quelques vigiles.

•  Levkas (Leucade, en français). La météo ayant annoncé un coup de vent de nord-ouest, nous préférons aller nous abriter dans un le golfe complètement fermé de Vlikho, au sud de Nidri. Des dizaines de voiliers sont déjà là au mouillage, en attendant 2 ou 3 jours que le vent se calme. L'abri est de taille, totalement protégé. Il ressemble à Luperon en République Dominicaine, mais en plus grand. Le coup de vent passé, nous remontons à la ville de Levkas, par un long canal dans les marécages.

•  Préveza est à l'embouchure canalisée du golfe Amvrakikos, une petite mer intérieure de 18 milles de long. On se croirait dans un grand golfe du Morbihan. Les paysages ruraux abritent quelques bons mouillages loin du tourisme. Le soir, une tête sort de l'eau, c'est une grosse tortue qui nage autour de Boisbarbu. Une raie ondule avec grâce sur le fond sablonneux. Des escadres d'oiseaux ressemblant à des ibis parcourent le ciel rouge crépusculaire. Quelques notes égrainées sur la guitare accompagnent nos dernières heures en mer.
Ces 3 jours de solitude lacustre sont un retour au calme et une excellente transition avant la mise à sec de Boisbarbu. C'est avec un peu de blues au cœur que je vois la mer Ionienne dans le sillage.
 

Les îles Ioniennes nous ont surpris à plus d'un titre. Tout d'abord par le fabuleux terrain de jeu pour un voilier dans des paysages somptueux aux hautes falaises, aux criques découpées, aux eaux turquoises, aux ports et villages proprets et bien entretenus, ainsi que par les très nombreux voiliers croisés dans la journée. Des centaines de bateaux naviguent ici, la majorité sont britanniques, hollandais, italiens.

Puis nous remarquons surtout un changement de comportement chez les grecs. Contrairement à ce que nous avions connus en mer Egée, ici les habitants et commerçants sont avenants, aimables, souriants, prêts à renseigner, à servir une bière avec le sourire, à commenter volontiers le menu du restaurant, à proposer des petits services dont le plaisancier ou le touriste ont besoin. Le changement est si radical avec ces 2 derniers mois de voyage, que nous avons l'impression d'être dans un autre pays. La culture et la mentalité des grecs des 2 mers seraient elles si différentes, et pourquoi ? Nous ne savons pas répondre à cette question.  

Boisbarbu et Détermination

Boisbarbu va donc pouvoir se reposer à sec dans un chantier de Préveza, jusqu'au printemps prochain. Evelyne et moi posons nos sacs à terre avec tristesse (surtout moi), mais pas pour longtemps, puisque nous embarquons sur DETERMINATION, le magnifique voilier de 22m de Patrick et Maryvonne, que nous aidons à convoyer jusqu'à Toulon pour un atterrissage le 5 Août.

Changement de taille de bateau. Mon "petit mousse" (comme aime se qualifier Evelyne) risque de prendre des goûts de confort.    

Nous serons ensuite très heureux de passer quelques soirées d'été rue Cézanne avec vous pour partager un casse croûte et une bonne bouteille.

Passez ! C'est un très bon abri.  

L'itinéraire 2007 de Boisbarbu

 

Conclusion:

2000 milles parcourus (3700 km),

40 îles abordées, souvent visitées, puis abandonnées dans le sillage,

1000 litres d'eau douce consommée,

Énergie électrique entièrement douce: solaire et éolienne.

J'ai aimé ce tour de la mer Egée par les îles, parcours original et peu parcouru par les plaisanciers, puis passer le canal de Corinthe, le pont de Patras, pour déboucher dans la mer Ionienne ou d'autres îles, très différentes nous attendaient. J'ai aimé tous ces mouillages, dans des décors idylliques, et tous ces ports de pêcheurs ou nous amarrions au cœur de villages pittoresques. J'ai aimé dans la fraîcheur de chaque matin, quitter un endroit splendide pour diriger l'étrave vers un autre, hypothétique, inconnu de Boisbarbu: sentiment d'autonomie et de liberté. J'ai aimé ces journées ou les surprises (bonnes ou mauvaises) s'enchaînent (et parfois se déchaînent). J'ai aimé sentir Boisbarbu dans les vagues, sous des vents parfois puissants, mais aussi le mener docilement à quai, parfois dans des trous de souris, ou la manœuvre se faisait de plus en plus fluide entre Evelyne, Boisbarbu et moi, comme un concerto en trio bien rodé.

Nous mesurons notre chance de pouvoir réaliser nos rêves de vie marine et espérons vous avoir fait goûter un peu de ces plaisirs.  

Bien amicalement,

Gérard.

 

Et le dernier mot ou petite touche au petit mousse:

 

Cette longue et lente promenade en Mer, devenue rituelle, chaque année :  

•  j'en rêve: pour le nouvel espace temps qu'elle nous offre (loin de nous cette course folle après le temps qui nous fuit), je distille le temps

•  j'aime m'abandonner à l'imagination ou celle-ci va faire peu à peu corps avec la réalité de cette nouvelle partie du monde là devant nos yeux toujours ébahis

•  j'angoisse a l'idée d'un BoisBarbu malmené par les caprices d'Eole même si je sais que je trouverai toujours en moi cette force inattendue pour l'aider a garder son cap – j'ai vraiment l'impression de ne faire plus qu'un avec mon grand capitaine et notre cavalier des mers

•  je distille ces moments de plénitude quand nous arrivons au mouillage soudainement calme, les oreilles assourdies par le vent dans les voiles et le bruit des vagues qui cognent intempestivement sur notre petite coque; la marche se substitue au rythme donné par le bateau pour nous conduire dans des ruelles a l'ombre des figuiers et des bougainvilliers incandescents

•  j'aime la chaleur de l'amitié partagée avec nos quelques équipiers que nous laissons dans notre sillage avec tant de beaux souvenirs qui vont bien au delà des mots

•  j'aime ces moments de longue rêverie ou méditation active qui aboutiront sur des projets a mener sur terre car la volonté ne m'a pas quittée même si une certaine léthargie se fait ressentir parfois; un qui me tient a cœur tout particulièrement est celui de ce combat pour la préservation de cette nature, de cette "belle" mer que je constate chaque jour un peu plus pillées de leur réservoir de richesses – "a un duel contre elle, il est temps de substituer un duo"

•  je prends conscience un peu plus chaque année de la chance qu'il m'a été donnée et que j'ai su prendre au bon moment : tous ces moments de grande liberté consacres a la lecture, autre ouverture sur le monde d'où j'ai extraie un petit passage rien que pour vous :

 

" A quoi pensons nous devant l'océan? On l'ignore et c'est agréable; toute conscience est conscience… d'on ne sait quoi! Notre pensée paresse au soleil. Elle revendique le droit de se livrer aux rêveries vagues. Des impressions affleurent à la surface de la conscience. Far Niente. Ne rien faire d'autre que le vide en soi, partir en vacances au singulier…. Mettre les voiles : du rivage commence un voyage. Un voyage a la verticale. "Là-bas" avant de marquer une distance (au loin) a désigné une profondeur (en dessous). Notre pensée débridée rompt les amarres de l'habitude, des automatismes: elle quitte ses erres, les sentiers balisés de la raison, les lieux communs si commodes. Aux réflexes, elle veut substituer une vraie réflexion : commencer par se perdre est la condition première. Suspension provisoire de notre faculté de penser! Notre errance maritime pratique le vide par dissolution…"
            Cécile Guérard   
Philosophie légère de la mer

•  et puis j'aime le retour après l'absence, cette renaissance parmi vous tous !  

A bientôt donc pour essayer de partager avec vous tous ces moments d'émotion et vous écouter aussi car il n'y a pas que la Mer !  

Je vous embrasse,

Evelyne

  Une Fraîcheur, de la mer exhalée,

Me rend mon âme..... O puissance salée!

Courons à l'onde en rejaillir vivant!

     Paul Valery

  Le Cimetière marin

 

 

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