Le Journal de Bord de BOISBARBU

8 Mai 2007

 

En 2007, Boisbarbu va se faire voir chez les grecs

   

Samedi 14 Avril

Après une saison de ski fond intense, à parcourir les pays européens sur les traces des épreuves de la Worldloppet, c'est le cœur battant que j'embarque sur le vol Lyon St Exupèry – Bodrum Milas, le sac de soute hors limite de poids, bourré à craquer d'accessoires ou produits nautiques en tous genres, dont une hélice toute neuve, et le sac de cabine pesant 17kg (limité en principe à 5kg) lui aussi bourré de pièces détachées savamment triées pour ne pas éveiller les soupçons d'un contrôle de sécurité devenu pointilleux. Je suis bien décidé d'user de toute ma diplomatie, charme, et plus si nécessaire, pour faire passer cette centaine d'objets au travers des obstacles de l'enregistrement, de la sécurité et des douanes turques. J'essaye de dissimuler


les mêmes gouttes de transpiration que l'on a vu sur le front de l'héroïne de Midnight Express (pour qui ça avait plutôt mal tourné)………… Ouf, tout est passé.

Quelques heures plus tard, je suis catapulté un an en arrière, à Bord de Boisbarbu, hiverné dans le chantier d'Icmeler, à 10mn de Bodrum, avec une liste interminable de réparations et d'aménagements à accomplir dans les 2 semaines. Mes notions de langue turque se sont évaporées pendant l'hiver. Les 20 pays visités depuis un an m'ont légèrement embrouillé les neurones, et je mélange un peu tout. Ah, si l'Esperanto avait poursuivi sa route, nos linguistes ne se plaindraient pas que l'anglais soit devenue la langue d'échange.

 

Les travaux

Je vous fais grâce des détails, car on pourrait en remplir des pages. Ceux qui ont préparé un bateau savent ce que sont ces listes sans fin. Contentons nous des principaux:

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La réparation de la quille qui avait touché dans un port Syrien l'an dernier.
•  Le remplacement de l'hélice qui prenait trop de jeu, par une toute neuve à pales orientables (une MaxProp bipale, pour les spécialistes)

•  Le remplacement des poulies de renvoi d'écoute de génois, qui étaient grippées, et insertion de cales pour améliorer leur géométrie et les efforts qu'elles endurent.

•  Dépose de l'enrouleur de génois, et remplacement des roulements et joints à lèvres. L'enrouleur, oxydé, menaçait de se bloquer à chaque manœuvre.

•  Stratification de protections contre une fuite de gasoil dans la cabine arrière pour éviter l'invasion de gasoil que nous avions connu au large de la Syrie.

•  Nouvelles fixations de la bouée et du phoscar pour accélérer la procédure d'homme à la mer

•  Réparation de la commande moteur et étanchéité

•  Remplacement des roulements à bille de l'éolienne

•  Remplacement de l'installation frigorifique corrodée par l'eau salée (opération finalisée par un frigoriste de talent).

•  Renfort de la platine de spi en tête de mat

•  Etanchéité de la cabine avant qui prenait l'eau venant de la baille à mouillage

•  Remplacement de l'auto radio, ravagé par la corrosion de l'air marin

•  Réparation du feu de navigation

•  Réparation de la pompe de cale manuelle

•  Télécommande du guindeau sur la plage avant

•  Sécurité du tuyau de gaz dans le coffre arrière

 

Après dix journées intenses de travail, il ne me restait plus qu'un nettoyage complet du bateau, du pont, de la coque, suivi de la peinture antifouling. J'ai pour cela mis en application les directives de Mme Aubry : se limiter à 35h de travail ... Mais avec un amendement : celui de remettre le compteur à zéro tous les 2 jours.

 

Puis l'avitaillement, ainsi que les formalités douanières et maritimes, avant la « libération » : le dernier verre de bière sur le chantier.

 

Sur ce chantier d'Icmeler, j'ai pu faire 2 rencontres : Sadun, puis Charly.

 

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Sadun Boro : connu comme le Bernard Moitessier de la Turquie. Plusieurs tours du monde en solitaire, dans les années 60/70 sur son bateau en bois KISMET. Il est mon voisin de chantier et j'ai un peu de mal à « apprivoiser » l'animal : un homme bourru, presque sourd, au caractère renfermé et impulsif. C'est l'image du skieur de fond dans le tableau arrière de Boisbarbu qui lui rappelle ses séjours à Méribel et m'attire sa sympathie, puis sa curiosité envers l'échelle de mat que j'ai fabriquée. Il avoue n'en avoir jamais vu de pareille. Je ne suis pas peu fier d'avoir pu étonner ce marin d'une telle expérience. Nous finirons bons copains.

•  Charly : ayant hiverné son PAMPLEMOUSSE en acier à Icmeler, Charly est en grands travaux de rénovation, avant de continuer son tour du monde. Parti de Nouvelle Calédonie, il a remonté la mer Rouge l'an dernier et poursuit son périple en Méditerranée. Pur caldoche, très sympathique, chaleureux et très distrait, il a fait ses premières armes en mer entre Nouméa, Nouvelle Zélande et Australie. Nous échangeons quotidiennement de nombreux services mutuels et partageons quelques soirées au restau, ou Charly m'offre son bouquin « La peur en prime ». Un récit de mer pas triste.

 

Jeudi 26 Avril : mise à l'eau et départ de Turquie

Les dernières heures avant la mise à l'eau sont fébriles. Je jubile devant la longue check list qui se termine. Les mains se serrent, l'excitation et l'inquiétude sont à leur comble. Le grutier est un orfèvre en la matière et le déplacement de Boisbarbu vers la darse se passe pour le mieux.

Les amarres larguées, Boisbarbu et moi prenons notre temps pour reprendre contact avec l'élément liquide. Un temps de demoiselle nous permet cette remise en condition sans brutalité.

Au cours des journées suivantes, la confiance revient, le plaisir aussi. Le vent de nord-ouest en profite pour forcir de jour en jour, et ne nous monte la barre de plus en plus haut, comme pour nous tester en guettant la première erreur pour nous jouer un mauvais tour. Mais la mémoire revient et nous réussissons ce premier examen. Boisbarbu et son cap'tain font bloc, heureux d'être en mer, à nouveau dans ce monde incliné.

 

   La gite …………………………………………………….……………………. et le couvert

 

  Le soir, je m'effondre sur la couchette après quelques bols de soupe et de pâtes. La fatigue du chantier, le manque de sommeil : j'ai froid malgré la polaire et le ciré. La contrainte imposée par mes sacs de voyage déjà trop lourds, m'a conduit à n'emporter pour tous vêtements que ceux que je portais sur moi à l'aéroport. De toute évidence, c'est insuffisant. Il faut dire aussi que le Meltem est froid, fin Avril.

Le Meltem, qui souffle en été sur la mer Egée, est la conjonction de 2 grands phénomènes météo : l'anticyclone des Açores à l'ouest et la dépression de la mousson à l'est. Incontournable, mais cette année il semble démarrer tôt, alors que je l'attendais en Juillet Août. Les grecs se plaignent qu'il n'y a plus de saison, et que automne et printemps sont de plus en plus froids. Ce réchauffement planétaire invoqué en France pendant la semaine de chaleur, n'a pas daigné s'étendre jusqu'en mer Egée. Avec Poséidon, serais je déjà sur une autre planète ?

 

Dans le dédale des nombreuses îles grecques, le Meltem est joueur, imprévisible, en venturi entre 2 îles, catabatique sous le vent d'une montagne, toujours prêt à nous surprendre et à coucher le bateau.

C'est seul sur la mer que nous remontons l'archipel des îles du Dodécanèse, sauvages, parfois désertes. L'impression d'isolement me stimule. Je pense à ce que disait Socrate : « il y a les vivants, les morts, et ceux qui vont sur la mer », et à quelques amis embarqués dans leur aventure :

•  Hervé, en traversée d'Atlantique retour, sur son Pogo40 ASTRAGALE, avec Richard et Cécia

•  Elie, dans son tour du monde sur un vieux VTT Décat'

•  Yves et son Arlette, en partance pour leur année sabbatique des montagnes

•  Vincent, qui teste son nouveau DOLCE VITA pour un tour du monde de 3 ans avec femme et enfants

•  Gérard, armé de Pataugas neuves pour descendre les 2500km de GR, de Rotterdam à Nice

•  Charly et PAMPLEMOUSSE, qui démarrent leur 3eme année de tour du monde

•  Guy et Sylvie, sur TAKARI, au Venezuela, dans leur première année de tour du monde.

•  …

Alors, à eux tous, je souhaite Bon Vent !

Un méridien invisible nous unit.

 

Vendredi 27 Avril : île Kalimnos, baie Vlikadia

 

 

Kalimnos était réputé pour ses pêcheurs d'éponges. Aujourd'hui, les éponges vendues à Kalimnos aux touristes, viennent d'Afrique, ou sont synthétiques.

 

Samedi 28 Avril : île Leros : anse Xerokambos

 

Seul aussi le soir dans les mouillages. Le vent souffle et l'éolienne de Boisbarbu est heureuse. Elle charge les batteries à bloc. Alors j'en profite pour dépenser l'énergie : musique à fond, éclairage du carré, frigo bien froid. Le mouillage dérape sous les rafales, il faut que je me lève travailler sur la plage avant. Il est 2h.

 

Mardi 1 er Mai : relâche au port de Lakkion, sur l'île de Leros

J'y fais la connaissance de Luc et Marie-France, sur leur SIRIUX, que Luc a construit de ses mains, très doué en mécanique mais ignorant pour la « chose » électrique. Je passe l'après midi à lui dépanner un problème électronique complexe. Il ne sait comment me remercier de voir sa centrale de navigation fonctionner enfin alors que plusieurs spécialistes s'y étaient cassés les dents. Il me promet le champagne pour dîner. Le soir venu, exact au rendez vous, je suis épaté de voir qu'ils ont dégotté dans ce coin perdu une bonne bouteille de Moet et Chandon. Souvenirs et anecdotes de mer animent ce dîner spaghetti-champagne et tisseront nos liens. Le hasard croisera à nouveau nos sillages, à Patmos.

 

Mercredi 2 Mai : île Levitha, anse Partheni, puis île Kynaros, crique Pningo

 

Brève incursion dans les îles Cyclades. Avec coup de vent du sud, et la pluie pour rincer abondamment le pont.


Jeudi 3 Mai : île Lipso, puis île Arkhangelos

 

Vendredi 4 Mai : île Patmos, baie de Skala, puis baie Grikos

 

J'ai sillonné l'île en scooter. Extrêmement découpée, elle réserve des points de vue spectaculaires.

 

 

C'est dans une grotte de Patmos que St Jean a dicté le texte de l'Apocalypse à son disciple.

Le monastère de Patmos, entouré de son village, la Chora, sont des visites chargées de mystère, apaisantes et délicieuses.


Samedi 5 Mai : île Arki, Port Augusta, puis île Makronis

TOSCANA : caïque traditionnelle grecque, appartenant au prince d'Autriche. Je sympathise avec l'équipage.

 

Dimanche 6 Mai : île Aghatonisi, crique Ay Yeoryiu, puis crique Sarkos

 

Lundi 7 Mai : île Samos, port de Pythagorion

Si Samos n'est pas la patrie du fromage du même nom, c'est ici que vécu Pythagore. Son carré de l'hypoténuse a permis le calcul de nombreuses successions entre enfants de propriétaires terriens.

Pythagore a aussi calculé le tunnel de Samos, qui creusé des 2 bouts, a abouti au même point exact de rencontre, après 1,5 Km de labeur. Bravo !

L'île qui jouxte Samos est Ikaria, célèbre pour son homme volant : Icare. Ikaria est redoutable par la violence de ses vents catabatiques. Ceci pouvant expliquer cela.

13 jours de navigation seul à bord  

Cette navigation solitaire me procure un immense sentiment de liberté. La liberté d'aller où je veux, quand je veux et comme je veux. Partir au large pour un grand run, filer sous spi par une jolie brise, musarder dans les cailloux, mouiller dans une crique déserte pour se baigner, bouquiner, regarder les étoiles, … La mer est un grand espace de liberté, pour autant qu'on respecte quelques règles imposées par les éléments naturels. L'espace maritime encore peu parcouru permet tout cela. Nous sommes peu de privilégiés à vouloir en profiter.

 

Hisse et Ho, Pavillonnerie de fête et Grand Pavois :

Evelyne rejoindra le bord demain, après 3 semaines de mise en hibernation de la maison, et de palpitante période électorale qu'elle a tenue à vivre en direct. Je me suis contenté de lui donner procuration, et d'écouter les émissions brouillées sur RFI. L'oreille collée au récepteur que je titille nerveusement, je me croirais sur Radio Londres en 1940.

De même, il a été assez difficile de trouver dans ces îles, un Internet rapide qui fonctionne, pour vous envoyer ce document. La Grèce est en effet un pays attaché à ses traditions et fier de son passé, certes prestigieux, mais qui n'est pas encore tourné vers les nouvelles technologies, à la différence de son voisin turc, qui m'a marqué par son dynamisme et son modernisme.

 

Athio,

Gérard et Boisbarbu.

 

Post Scriptum (pub gratuite)   : les photos sont gérées, traitées et retouchées par CAM2PC, un logiciel 100% français, étonnant de simplicité et de possibilités. Alors pour une fois qu'un logiciel n'est pas délocalisé en Inde, mais développé 100% dans l'hexagone et facile d'utilisation de surcroît, n'hésitez pas. http://www.nabocorp.com/cam2pc/

 

 

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