Avril 2000 - Les îles Vierges, un petit paradis de la voile

L'arc Antillais sud-nord est bien dans le sillage de Boisbarbu. Sa dernière île, St Martin, a cette particularité d'être divisée en 2 :
- le sud est Hollandais (prononcez Sin Marteen), avec ses lagons, ses routes mal entretenues, ses immeubles délabrés par l'ouragan Luis, ses grands magasins à l'américaine, ses magasins d'accastillage les mieux fournis de toutes les Antilles, sa "Front Street" de Philipsburg, consacrée aux bijoutiers vendant hors taxe or et diamant aux touristes fraîchement débarqués d'énormes paquebots.
- Le nord est Français, avec sa bourgade de Marigot, ses montagnes, ses routes bien entretenues, son Anse Marcel occupée par un hôtel de luxe, son ilet Pinel encore calme et sauvage.

Anegada Passage: une peur bleue !

80 miles nautiques separent les iles Vierges de St Martin. Nous avons donc quitte St Martin vers une heure du matin, le Dimanche 1er Avril (non, ce n' est pas une farce), afin d' arriver de jour sur les iles Vierges Britanniques. Le vent nous ayant pas mal entraine vers le nord des iles Vierges, il nous fallait eviter son ile septentrionale: Anegada, debordee de coraux a plus de 9 miles au sud. Conscient de ce danger, je rentre dans le GPS un point de passage a un mile au sud de l' extremite sud de ces coraux, me disant, que meme avec l' imprecision possible de la carte, j' avais une marge d' un mile (1852m) pour passer. Le GPS etant maintenant precis a 5 m pres, je ne risquais pas grand chose.

Vers 16h, en ce Dimanche 1er Avril, je surveille le GPS: il m' indique que nous sommes au bon cap et que nous atteindrons notre point de passage dans une dizaine de minutes. Je reverifie sur la carte, une magnifique carte du SHOM: tout va bien, tout est clair dans la zone ou nous passons. Je jette neammoins un oeil distrait sur le sondeur, et le vois passer rapidement de 50m a 30m, puis 18m, 12m, ..... , 7m, 3m (oui, vous lisez bien, ce n' est pas un poisson d' avril, ou alors, il a tres mauvais gout). Je monte precipitemment dans le cockpitt, debraye le pilote automatique et lance a Evelyne: “Attention, Babord toute, j' arrete le bateau, face au vent !”. Elle blemit. Autour de nous, tout est vert clair, avec des taches brunatres, caracteristiques des hauts fonds et des patates de corail. Je comprends vite le poisson d' Avril que m' a joue le SHOM, j' embraye le moteur et c' est plein Est que nous remontons face au vent, au moteur, les voiles en vrac, dans la direction diametralement opposee a notre destination. Quelques minutes suffisent pour nous degager de ces hauts fonds qui soulevent de dangereuses deferlantes. Il etait temps, nous n' avions plus que 60 cm sous la quille....

Nous prenons donc 1 mile de plus vers le sud et entrons le coeur encore palpitant, dans ce monde merveilleux que sont les iles Vierges.

Ouf, nous avons eu chaud !

La lecon de tout cela. Et bien c' est que d' une carte a l' autre, les systeme geodesiques de references changent, et qu' il faut configurer son GPS dans le systeme de reference de la carte utilisee, avant de rentrer un point de passage. Ca, je le savais. Oui, mais voila, la carte du Shom n' indiquait rien sur le systeme de reference utilise. J' avais egalement cherche dans les Instructions Nautiques du Shom. Rien, aucune indication. Alors, par prudence, j' avais pris 1 mile de marge. Et bien ce n' etait pas suffisant. J' ai pu constater le soir meme, dans notre mouillage, que la carte du Shom etait decalee d' un mile vers le nord par rapport a la realite des lieux. Je savais que des systemes de reference (on appelle ca des Datums) differents peuvent induire des differences de quelques dizaines de metres, voire quelques centaines. Mais 1 mile, ca, je n' y croyais pas. Mon GPS est capable de se configurer suivant les 120 Datums connus au monde. Oui, mais voila, ces messieurs du Shom ont leurs propre Datum, et ne daignent meme pas l' indiquer sur les cartes ! Bon, je me suis promis d' envoyer un courrier au Shom pour connaitre quel est le Datum utiliser sur ce type de carte.

Et en attendant, je prendrai une marge encore plus grande: 2 a 5 miles !? Mais alors, comment fait on pour negocier une passe de 300 m de large. Et bien il reste le radar, ou le soleil dans le dos, debout dans le 1er etage de barre de fleche, avec des lunettes polarisantes, pour discerner les coraux.

Enfin, nous avons finalement eu une grande peur, mais en meme temps beaucoup de chance. Ce qui nous permet ce soir de dormir tranquille dans une petite crique paradisiaque de Virgin Gorda: Mountain Bay.



Dés notre approche des îles Vierges, nous percevons un paysage différent: plus boisé, plus découpé, des îles multiples, plus rapprochées, parfois même entrelacées. Une géographie complexe et riche par les contours tortueux de ses îles, mais pourtant d'une cohérence physique remarquable.

Virgin Gorda, Tortola (britanniques), St John et St Thomas (américaines) sont les 4 îles principales. Elles sont très proches les unes des autres (1/2 mile parfois) et il est aussi facile de passer de l'une à l'autre que de traversée une crique. Elles s'entourent d'une cinquantaine d'îlots satellites, qui offrent une continuité a l'ensemble, ainsi qu'une variété formidable pour le navigateur. Chaque passe, chaque détroit, chaque crique, a son charme. Les perspectives sont multiples dans cet entrelacement.

Quand on navigue dans les chenaux protégés par ces îles, on se croirait sur un lac, protégé des vagues de l'Atlantique, et entoure par de nombreux reliefs, tout autour, avec des variations de gris permettant de distinguer a peine une île d'une autre. L'eau est calme, l'alize modéré, ce qui permet aux nombreux bateaux de filer toutes voiles dehors en glissant sans bruit sur cette mer protégée. La navigation y est donc facile, et cet archipel attire de nombreux marins en herbe, en particulier américains et anglais. Les loueurs de bateaux ne s'y sont pas trompes. Ils sont pléthore. Tout ce petit monde aime a se regrouper chaque soir dans des anses bondées. Quand on s'en donne la peine, il est encore possible de trouver la petite crique déserte et charmante. Nous avons particulièrement aime le mouillage de Baths a la pointe de Virgin Gorda, avec son labyrinthe de gros rochers granitiques, ou un sentier tortueux et étroit nous entraîné, tel des aventuriers d'un arche perdu, dans des failles de granit, sur le sable, dans les vasques d'eau claire, ou les rayons du soleil ont parfois du mal de pénétrer.



Ou encore Treasure Caves, qui nous réservent des coraux magnifiques et des poissons phosphorescents dans la pénombre. Photo imga452 (attache dans un autre message) Photo imga453 (attache dans un autre message)

J'ai omis de parler de l'île d'Anegada, plus au nord, terre de sable, très basse, protégée d'immenses zones coralliennes, puis de Ste Croix a 25 miles au sud, qui reste en dehors des routes de navigation. Puis plus a l'ouest, nous avons Culebra et Vieques (hispaniques), appartenant a Porto Rico, mais que les locaux reconnaissent peu comme faisant partie du sérail des Vierges. Nous ne savons pas encore pourquoi...

Bien que très touristiques, l'archipel britannique a été bien protégé, contrairement à la partie américaine ou les promotions immobilières altèrent le paysage. Néanmoins, partout l'eau est très pure et limpide.

De nombreuses criques sont interdites a l'ancrage. Des bouées de mouillage y sont disponibles. Et alors, quel régal pour la plongée. Ce sont de loin, les plus beaux coraux et par voie de conséquence les plus beaux poissons que nous voyons depuis le début de notre voyage. Des coraux incroyables: énormes arbres de pierre, cactus sous marins de multiples couleurs, plantes diverses. Les variétés de poissons sont plus nombreuses qu'ailleurs, de toutes les couleurs. Et on en a vu de tres gros. Hier, un poisson de ma taille m'est passé à un mètre sous les palmes, majestueux ! A chacun de nos nombreux mouillages, nous nous précipitons sur nos palmes et tuba pour profiter de ces moments d'apesanteur dans un décor vivant et splendide. Il y a parait il quelques requins. Nous n'en avons encore pas rencontrés ...

Paradis de la voile, bien sur. Alors de nombreuses régates, et d'un excellent niveau y sont organisées. Nous avons la chance d'assister aux régates de printemps et de pouvoir figer sur la pellicule quelques belles images que voici.

Il nous aurait fallu un bon mois pour parcourir tout cet archipel. Mais notre itinéraire nous entraîne plus à l'ouest, vers les Grandes Antilles: Puerto Rico et République Dominicaine.

Nos Visas pour les US

Avant notre depart de France, les renseignements que nous avions sur l' obligation de visas dans les pays a visiter etaient parfois imprecises, voire erronees. Nous avions en particulier negliger un pays, et pas des moindres: les USA. Ayant souvent voyager dans ce pays par avion, je savais que nous n' avions pas besoin de visa. Mais il en est tout autrement quand on y arrive avec son propre bateau. Nul ne peut rentrer dans les eaux territoriales des Etats Unis, sans avoir au prealable obtenu un visa, sous peine d' une forte amende et d' immobilisation du bateau. Cette obtention peut demander plusieurs semaines.

Nous avons pris conscience de cette obligation au mois de Janvier, alors que nous etions dans les Grenadines. Sachant que nous avons besoin de nos passeports chaque semaine pour effectuer les formalites de “Clearance” dans les iles, il n' etait pas envisageable de les renvoyer a l' ambassade des US a Paris, pour une longue immobilisation. Par ailleurs, les seules ambassades des US dans les Caraibes sont a Trinidad et a la Barbade. Ces deux iles etaient maintenant derriere nous, et y retourner face au vent ne nous enchantait guere, sans savoir le temps que nous devrions y rester pour accomplir les formalites de demande de visa.

Le probleme de visa restait donc entier, et nous inquietait, puisque nous devions absolument retrouver nos 3 equipiers pour la traversee retour de l' Atlantique, debut Juin, en Floride. Fin Mars, nous apprenons que le visa US est egalement obligatoire pour la moitie des iles Vierges, ainsi que pour Puerto Rico, et que les autorites locales sont tres strictes a cet egard. Les amendes et ennuis administratifs sont importants. Au cours des discussions de pontons, aucun n' a su nous donner la bonne procedure. Je passe egalement de longues attentes au telephone en essayant de joindre les autorites americaines, aux US, a Puerto Rico ou en Republique Dominicaine, et suis chaque fois rediriger vers des messageries telephoniques ou “tous” les cas sont prevus, sauf evidemment celui du petit francais qui arrive par bateau.

C' est finalement a Tortola (Ile Vierge Britannique) que nous devions trouver la solution:

A la capitale de Tortala, Road Town, nous achetons 2 tickets aller/retour pour la capitale des iles Vierges americaines, Charlotte Amelie sur l' ile de St Thomas, par ferry. La compagnie de ferry controle nos passeports au depart et nous fait remplir le formulaire vert I94-W de “Visa Waiver” (Derogation de visa, en francais). Apres 45mn de ferry, nous debarquons a Charlotte Amelie et passons le service d' immigration, copie conforme de ce que l' on connait a l' arrivee dans les aeroports americains. Nous expliquons a l' officier d' immigration que nous devons revenir avec notre propre “yacht” et que nous naviguerons dans les eaux US et Puerto Rico pendant 3 mois. Sans sourciller, il nous tamponne nos passeports et ecrit sur le formulaire vert que cette derogation de visa est valable 3 mois. Il ne nous demande meme pas les papiers du bateau (ni l' age du capitaine). C' est trop beau, alors on lui demande quelques explications supplementaires. Il nous confirme que cette derogation est bien valable egalement a Puerto Rico est aux US. De plus, elle est gratuite. Ce petit carton vert est pour nous une liberation.

Trop heureux de cette mission accomplie, nous visitons rapidement Charlotte Amelie, ou il n' y a d' ailleurs rien a voir, si ce n' est les magasins hors taxe, comme a Saint Martin, ou des hordes de touristes anglo-saxons sont debarquees de leurs enormes paquebots pour pratiquer leur activite favorite: le shopping. Puis nous reprenons le premier ferry retour sur Tortola, ou Boisbarbu nous attends pour de nouvelles aventures.

Gérard

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