Février 2001 - Les deux premiers mois du nouveau millénaire sous le soleil des Antilles
Un nouveau millénaire a commencé, et nous n'avons même
pas pris encore le temps de vous raconter la suite de notre voyage. Voyage qui
rentre dans une seconde phase, très différente de la première.
De mi-octobre à fin décembre, nous étions en mode " Convoyage
" : il nous fallait faire filer Boisbarbu, pour prendre l'Alizé, l'amener
aux Caraibes, et surtout être au rendez vous des bons copains qui nous
rejoignaient à chaque segment du parcours. Rendez-vous que nous avions
fixés sur un planning trop ambitieux, mais ça, nous nous en sommes
rendus compte trop tard. Il fallait y aller. Et on l'a fait. Avec quelques émotions,
certes, mais c'est passé : de Port St Louis à Gibraltar, puis
de Gibraltar jusqu'aux Canaries, puis au Cap Vert, puis traverser l'Atlantique
pour arriver à la Martinique, et descendre " en trombe " jusqu'à
Trinidad. 6000 miles (11000 km) parcourus. Et là, avec ce réveillon
à Tobago, le rythme a changé, les " vacances " ont réellement
commencées.
Le sejour à Tobago fut d'ailleurs trop court. Nous avions envie de découvrir
plus à fond les petits villages de pêcheurs, que le tourisme n'a
pas encore envahi. Villages tout à fait dépaysants, à l'ombre
des cocotiers, où les pecheurs en barque partent chaque jour à
la recherche des " KingFish ", magnifique poisson de 2,50 m. Des centaines de
poissons trompettes, d'une cinquantaine de centimètres sont sous Boisbarbu,
à nous observer. Une grande raie fait les " 100 pas " sur le fond. Dans
le village, la musique de Bob Marley sort de toutes les maisons, et les habitants
ne peuvent s'empêcher de danser dans la rue, sur les rythmes les plus
entraîinant.
Apres avoir raccompagné nos amis du réveillon (Dominique, Francoise,
Jacques et Jean-Marie) à Trinidad, dans le port de Chaguaramas, nous
y restons une semaine pour " retaper " Boisbarbu. Et ce port un peu glauque
devient un endroit familier ou on fini par s'y plaire. Une visite dans les marécages
de Trinidad nous fait decouvrir les milliers d'Ibis, oiseaux rouge écarlate,
qui se rassemblent chaque soir dans un arbre énorme, au soleil couchant
du marécage bordé de mangrove.
Le 8 Janvier au soir, nous hissons les voiles de Boisbarbu, dans le but d'atteindre
Grenada le lendemain. Pour une navigation un peu longue (celle-ci faisait 90
miles), il est plus sûr de partir à la tombée de la nuit,
afin d'être sûr d'arriver de jour à destination. En effet,
la presence de nombreux bancs de coraux et l'absence de signalisation marine
imposent d'atterir de jour, sous peine de voir son nom figurer dans la liste
des nombreuses épaves des Caraibes. Evelyne et moi, sans oublier Boisbarbu,
avons souffert, cette nuit là, d'une mer hachée, des vents violents,
et d'un courant fort qui voulait nous empêcher d'atteindre Grenada en
un bord. Nous avons fait les quarts à deux, c'est à dire un long
quart de 15 heures. On est arrivé à Grenada crevés, délavés,
secoués. Heureusement, un petit paradis nous attendait. Grenada est la
Corse des Caraibes. Nous naviguerons dans les 5 fjords du sud de l'île,
dans des mouillages sauvages, bordés de mangroves l'accés difficile,
protégés par les bancs de corails. Certains de ces mouillages
sont de véritables " trous à cyclone ", c'est à dire des
abris parfaits pour les bateaux en été, la période cyclonique.
Monique et Patrick nous rejoignent à Prickly Bay, et c'est avec eux que
nous visitons l'île. Je loue une voiture, et obtiens le permis de conduire
local, pour faire le tour de l'île qui nous charme par ses beautés
naturelles, des forêts aux milles essences d'arbres et plantes, ses petites
maisons en bois de pêcheurs ou de fermiers, et ses habitants gentils,
souriant et toujours serviables. Nous nous souviendrons de cette visite de la
plus vieille rhumerie des Caraïbes, ou nous retrouvons les procédés
ancestraux de fabrication du rhum (pressage de la canne à sucre, concentration,
fermentation, distillation), la coopérative de noix de muscade (" Nutmeg
") ou on écosse, trie et emballe les precieux épices, la pêche
à la Seyne par conditions musclées dans les rochers au vent…
Puis nous engrainons la vingtaine d'îles qui composent les Grenadines.
Toutes plus belles les unes que les autres. Des mouillages splendides, sable
blanc, cocotiers, protégés des vagues par les barrières
de corail. Boisbarbu s'y fraie un passage, au GPS, au compas, à vue,
le soleil dans le dos, pour se faufiler entre bancs de sables et pavés
de coraux acerbes. Patrick devient un as de la chaîne et de l'ancre. Et
après 3 semaines, aucun doigt ne lui manquait. Nous avions déjà
parcouru les Grenadines en Décembre 97, sur un bateau de loc. Mais y
revenir avec Boisbarbu, quel plaisir ! Et puis nous découvrons d'autres
mouillages. Certaines îles ont peu evolué, d'autres au contraire
se sont fortement developpées pour accueillir le tourisme nautique, comme
à Bequia ou à Ste Lucie. A chaque île, ou presque, nous
devons rendre visite au service d'immigration puis à la douane. Ils nous
font remplir des dizaines de formulaires avec des tonnes de renseignements (oui,
même l'age du capitaine) qui sont " soigneusement " classés a jamais.
A certains mouillages, des locaux avec leur barques viennent proposer leurs
services (aide au mouillage, taxi, vente de glacons, de bananes, de poissons,
de pain,…). Nous ne voyons cela que dans les îles ex-britanniques, jamais
dans les îles francaises. Nous pêchons à la traîine
un beau baracuda de 75 cm. Hmmm, un régal dans la poele, bien que nous
ayons eu des doutes sur sa comestibilité. Beaucoup de baracudas sont
infectés par la Ciguatera, la maladie du corail.
A quelques jours de la Martinique, mon nouveau démarreur, arrivé
de Paris fin Decembre, tombe complètement en panne. Décidément
! Alors, je le remplace par le vieux démarreur, réparé
par un sorcier/garagiste du cap Vert. Il fonctionne toujours et accepte de faire
une série de 6 démarrages pour nous conduire à la Martinique,
où j'espère faire remplacer le nouveau démarreur sous garantie.
Le 29 Janvier, nous amarrons Boisbarbu au ponton du port du Marin, au sud de
la Martinique. Entre " Trusquin " et " Babar " dont les propriétaires,
très sympas, nous rendent de nombreux services pendant cette semaine
à quai. Des gens supers que l'on aimerait garder comme copains. 7 journées
de travail acharné sur notre bateau, pour le réparer et même
l'améliorer en fonction des enseignements que la mer nous a donnés
pendant ces derniers mois. Le temps se gâte. Il fait plus froid. Les grains,
coups de vent, fortes averses se succèdent. L'ex Cote D'Or d'Eric Tabarly
pour la Whitread de 1985 arrive à quai. Le nouveau propriétaire,
un belge sympa, nous conte ses performances. Il l'a rebaptisé " Jaguar
" .
Le 6 Fevrier, Jean et Claude (l'oncle et la tante d'Evelyne) embarquent à
bord et nous quittons Le Marin, devenu si familier, pour remonter la côte
ouest de la Martinique. Nous visitons le musée de Vulcanologie à
St Pierre, qui relate l'explosion de la montagne Pelée, le 8 Mai 1902
et la destruction de St Pierre et de ses 30000 habitants (sauf un, protégé
par le cachot de sa prison). Nous traversons sur la Dominique, puis Marie-Galante.
Nous nous mêlons au peloton d'une régate : le Trophée des
Caraïbes. Boisbarbu file sur l'eau et fait bonne figure dans le peloton,
qui nous gratte lentement. Nous apprendrons par la suite que cette course a
été remportée par Christophe Auguin. Sacré Boisbarbu,
tu m'étonnes tous les jours.
Ce sera la semaine des grains et des fortes pluies. Des coups de vent à
40 N gonflent la mer et chahutent Boisbarbu. Par 2 fois, nous devons prendre
la fuite pour étaler le grain dans cette mer forte. Claude et Jean, qui
n'avaient jamais navigué, ont un baptême de la mer plutot " sportif
" et tres " arrosé ". Ils s'y adaptent avec beaucoup de volonté
et echappent au mal de mer. De plus, Jean se montre rapidement un fin barreur.
La visite de la Dominique, ancienne colonie britannique, nous ravit. Relief
montagneux, accidenté, volcanique. Sa capitale, Roseau, est splendide
par son architecture de maisons en bois des Caraibes, certes un peu délabrées,
mais pleines de charme. Les habitants nous offrent un accueil remarquable. Quel
contraste par rapport au mises en garde des guides marins et touristiques, decrivant
cette île miséreuse comme un repère de délinquants
qu'il vaut mieux éviter… Il est vrai que la pauvrete est présente
dans cette île, mais de nombreux indices de progrés, d'organisation,
d'hygiène, menés par les locaux nous font penser que ces gens
là s'en " sortiront ", peut-être beaucoup mieux à terme
que dans les Dom Tom francais.
Ensuite, c'est Marie-Galante où nous débarquons Claude et Jean
en annexe, sur une plage, et visitons l'île, principalement tournée
vers l'agriculture, la canne à sucre (le sucre St Louis, vous connaissez
?), la pêche artisanale, et quelques rares touristes. Ile toute plate,
d'où nous partons le 13 Fevrier pour atteindre Les Saintes.
Ah, les Saintes, splendide petit archipel où, durant une semaine, nous
allons de criques en anses à travers les passes ventées et les
vues superbes sur cette baie des Saintes qui reste une des plus belles au monde.
Plusieurs de ces criques sont encore désertes, en dépit des centaines
de touristes qui débarquent au Bourg, en ferry, pour une visite de la
journée, au Fort Napoleon ou dans les charmantes petites échopes
du Bourg. Nous aimons les Saintes, et c'est avec du baume au cœur que nous allons
quitter cet endroit. Et puis c'est ici qu'Evelyne et moi avions décidé
et préparé notre mariage. Alors quoi de plus normal que d'être
revenus y passer la soirée de St Valentin, de ce nouveau millénaire.
Paule nous rejoint aux Saintes, et nous accompagne sur Basse Terre (la côte
sous le vent de la Guadeloupe) pour une semaine plus calme et aux courtes navigations.
Le 22 Fevrier, à l'approche de Bouillante, sur Basse Terre, Evelyne apercoit
au loin un ketch vert, remontant la côte sous le vent de la Guadeloupe.
Elle saute sur les jumelles. Incroyable, c'est " Trusquin ", le bateau de Georges
et Nathalie. Nous nous déroutons sur lui et l'approchons en pleine mer.
On est super content de se retrouver là. Rendez-vous demain soir dans
l'anse Deshaies, la dernière crique au nord de la Guadeloupe pour fêter
nos retrouvailles (champagne, foie gras, tajin) avant que nos routes ne se quittent.
Ils partent sur St Martin alors que nous allons sur Antigua…
Voilà, avec mon PC reparé, nous allons pouvoir vous communiquer plus
régulièrement les progrés de notre périple.
A bientôt sur Boisbarbu,
Gérard